Plus de 30 ans après l'entrée en vigueur de la Loi 101, le français a toujours du mal à se tailler une place dans les commerces et les petites entreprises de Montréal, révèlent deux études publiées hier. Pour améliorer la situation, Québec annonce un train de mesures basées essentiellement sur la bonne volonté des employeurs, de leurs employés et des clients.

Selon une étude de l'Office de la langue française du Québec (OLFQ), le tiers des entreprises emploient du personnel qui ne possède pas une connaissance fonctionnelle du français. C'est dire que 11500 personnes travaillent à Montréal sans maîtriser suffisamment le français.

 

Le français accuse aussi un retard sur le plan des communications dans les entreprises qui comptent de 11 à 50 employés. Dans une entreprise montréalaise sur 10, les consignes de santé et de sécurité ne sont pas affichées de manière prédominante en français ou le sont même uniquement en anglais.

«Le français est généralement très présent au sein des petites entreprises, mais il n'occupe pas encore toute la place qui lui revient», conclut l'OLFQ.

Dans l'île de Montréal, commander un café en français relève à l'occasion de l'exploit, indique aussi un sondage de la firme Léger Marketing réalisé en septembre dernier. Un Montréalais sur trois affirme qu'il est rarement ou qu'il n'est jamais accueilli en français dans les commerces de l'Ouest de Montréal.

Pire: un Montréalais sur six affirme que, s'il demande à être servi en français après avoir été abordé dans une autre langue, il ne peut que «rarement ou jamais» voir son voeu exaucé.

Selon Jean Charest, ces données ne permettent pas de conclure qu'il y a une crise de la langue française à Montréal, mais il reconnaît néanmoins qu'il faut agir. Cette recherche et ce sondage ont guidé une journée de réflexion entre les représentants d'entreprises, d'associations, de syndicats et du gouvernement, qui ont conclu hier une entente de cinq ans pour améliorer la situation, sans recourir à des mesures coercitives.

La «Stratégie commune d'intervention pour Montréal 2008-2013» en cinq points qui repose surtout sur des actions destinées à promouvoir les dispositions déjà prévues par la Charte de la langue française et les programmes de francisation déjà en place.

Québec promet une campagne de «promotion du français axée sur la fierté» dotée d'un budget de 1,5 million de dollars. Le premier volet de cette campagne débutera dès ce week-end avec des publicités dans les quotidiens. Puis, juste avant Noël et la course aux cadeaux dans les commerces, des publicités inciteront les clients à exiger d'être servis en français.

Le plan prévoit aussi la création d'ici 12 mois d'un guichet unique pour aider les entrepreneurs à se retrouver dans le dédale des services offerts en francisation par tous les organismes gouvernementaux. Les commerces et entreprises les plus respectueux de la langue française pourront apposer dans leurs vitrines des autocollants d'attestation.

Jean Charest a défendu sa décision de ne pas donner plus de mordant à la Charte de la langue française, comme le réclament plusieurs groupes de défense de la langue et le parti Québécois. Il assure que la méconnaissance des programmes et des lois est l'un des principaux obstacles à la sauvegarde du français. «Ce n'est pas tous les citoyens qui sont conscients du fait qu'ils ont le droit de se faire servir en français», a souligné M. Charest. Il s'est montré particulièrement préoccupé par le fait que, lorsqu'ils sont servis en anglais, six francophones sur 10 n'ont pas le réflexe de répliquer en français (selon le sondage Léger Marketing). «Ce n'est pas juste une question de lois, on doit mobiliser les Québécois et en particulier les Montréalais sur l'importance d'affirmer leur langue», a-t-il relevé.

Le parti Québécois reproche au gouvernement Charest d'avoir cédé aux pressions des milieux d'affaires, qui ne voulaient pas d'un durcissement de la Loi 101. «Jean Charest avait le devoir d'exiger des résultats et de ne pas faire reposer son programme sur des voeux pieux», a relevé le député François Legault.