Alors que le nombre de sans-abri est à la hausse, une commission parlementaire entamera ce matin une vaste consultation sur le problème. Et déjà, les organismes communautaires pressent Québec de se doter d'une politique gouvernementale pour venir en aide aux sans-abri.

Au cours des prochaines semaines, des députés des trois partis de l'Assemblée nationale entendront une centaine d'organismes à Montréal, Trois-Rivières, Gatineau et Québec. Ils proposeront ensuite une série de solutions au gouvernement.

«Ça fait sept ans que je suis ici et notre refuge est toujours complet, affirme Geneviève Grégoire, directrice de la Maison du père, au centre-ville de Montréal. Parce qu'on a des moyens financiers limités, on pourrait grandir encore. Et dans ce cas, on accueillerait encore plus de clients.»

La dernière tentative pour recenser le nombre de sans-abri au Québec remonte à 1998. Des chercheurs avaient alors établi qu'environ 30 000 personnes avaient fréquenté un service d'aide aux clochards à Montréal. Près de la moitié avaient été sans domicile fixe dans l'année précédente.

Ces chiffres ont augmenté au cours de la dernière décennie, assurent les intervenants communautaires. La Maison du père, par exemple, accueille 60 nouveaux clients chaque mois depuis le début de 2008. Et en sept ans, affirme Mme Grégoire, la moyenne d'âge des pensionnaires est passée de 48 ans à 34 ans.

«Il y a 50 ans, quand nos clochards arrivaient, ce n'était pas très compliqué, explique soeur Aurore Larkin, directrice de l'Accueil Bonneau. Mais aujourd'hui, le visage de l'itinérance a changé. La clientèle a beaucoup rajeuni.»

Le «robineux» blanc côtoie désormais des toxicomanes, des jeunes, des immigrants et des autochtones.

Au même moment, les centres où ils sont accueillis sont aux prises avec des problèmes financiers sans précédent.

L'an dernier, les trois principaux refuges de Montréal ont fait front commun pour dénoncer le sous-financement gouvernemental. Après des semaines de négociations, Québec leur a accordé un million de dollars, somme jugée nettement insuffisante par les directeurs.

Les organismes réitèrent une demande de longue date: ils veulent que la province se dote d'une «politique gouvernementale de l'itinérance», accompagnée de fonds supplémentaires. Car les centres d'aide n'ont pas les moyens de garder leurs intervenants, affirme soeur Larkin. Plusieurs employés travaillent un an, parfois deux, avant d'être recrutés dans des CLSC ou des hôpitaux, où les salaires sont beaucoup plus élevés.

La Maison du père recueille les deux tiers de son budget annuel de 3,5 millions auprès de donateurs privés. L'Accueil Bonneau, lui, a un budget de 1,8 million, dont 17% sont financés par le gouvernement.

C'est pourquoi les intervenants sont confrontés à un paradoxe, affirme Nathalie Rech, du Réseau solidarité itinérance du Québec. «On travaille avec des gens qui sont désorganisés, avec qui il faut créer un lien de confiance et travailler à long terme, dit-elle. Mais d'un autre côté, on a très peu de moyens pour le faire et les organismes se demandent toujours comment ils vont boucler leur année budgétaire.»