Une majorité importante de Québécois - 62,4 % - souhaitent une réduction des dépenses militaires, indique un sondage diffusé cette semaine par l'Institut Rideau, un groupe de recherche indépendant d'Ottawa. Ce souhait tranche avec le programme du gouvernement conservateur, qui a annoncé son intention de doubler les crédits des forces armées et d'y consacrer 490 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années.

Dans l'ensemble du pays, 52 % des Canadiens réclament une diminution des achats d'équipements militaires et des dépenses de guerre ; 27 % veulent que le programme se déroule tel qu'annoncé ; 11 % souhaitent des augmentations de crédit encore plus élevées et 10 % n'ont pas d'opinion. C'est au Québec que l'opposition aux dépenses militaires est la plus forte.

La question posée à 1200 personnes par la firme Nanos Research entre le 20 et le 22 septembre était la suivante : « Au total, Stephen Harper prévoit dépenser 490 milliards de dollars dans une stratégie de défense qui inclut les coûts de la guerre en Afghanistan ; le prochain gouvernement doit-il réduire ces dépenses, les maintenir ou les augmenter ? »

« Les Canadiens s'interrogent sur les priorités du gouvernement conservateur », conclut Steven Staples, président de l'Institut Rideau sur les affaires internationales, un groupe financé notamment par des fondations privées comme la Secure World Foundation, qui cherche à limiter la militarisation de l'espace.

« Depuis quelques années, beaucoup de Canadiens se montraient favorables à une augmentation des budgets militaires, a noté M. Staples au cours d'un entretien, vendredi. Mais cette tendance est en train de changer. Les gens ne voient pas les bénéfices de toutes les dépenses pour les forces armées. La guerre en Afghanistan traîne en longueur, rien ne progresse.

« Par ailleurs, même les Canadiens qui soutiennent le développement des forces armées sont de plus en plus préoccupés par la situation économique. Ils ne veulent pas que le gouvernement creuse un nouveau déficit et souhaitent qu'il ait des fonds pour contrer les effets d'une éventuelle crise. »

Avant de se faire poser la question par la firme de sondage, plusieurs personnes ignoraient probablement que le gouvernement a un programme de dépenses militaires de 490 milliards en 20 ans, a souligné Normand Beaudet, auteur du livre Le mythe de la défense canadienne et candidat du Nouveau Parti démocratique dans la circonscription de Rivière-des-Mille-Îles.

L'annonce de l'investissement de 490 milliards se trouve enfouie dans un document intitulé Stratégie de défense - Le Canada d'abord, qui a été placé de façon très discrète sur le site web du ministère de la Défense le jeudi soir 19 juin, à la veille de l'ajournement des travaux parlementaires. Le budget annuel du ministère de la Défense passera de 18 milliards en 2008 à plus de 30 milliards en 2028.

Les effectifs augmenteront de plusieurs milliers de soldats. Des dizaines de milliards seront consacrés à l'achat de matériel. Plusieurs contrats ont déjà été accordés. Le Ministère planifie entre autres ces achats : 17 avions Hercules, 16 hélicoptères Chinook, trois navires de ravitaillement, 15 destroyers et frégates, 65 avions de chasse, 2300 camions et 100 chars d'assaut. La stratégie insiste sur l'importance de l'alliance avec les États-Unis.

« Comme le Canada et les États-Unis ont des besoins communs en matière de sécurité, il est dans l'intérêt stratégique du Canada de constituer un partenaire fiable pour la défense du continent. (...) Les forces armées des deux pays poursuivent leur fructueuse collaboration dans le cadre d'opérations en Amérique du Nord et à l'étranger.

« Pour assurer l'interopérabilité de nos forces, nous devons nous assurer que les aspects-clés de nos doctrines et de nos équipements respectifs sont compatibles. Les Forces canadiennes doivent en conséquence continuer à participer à des exercices interarmées et à des échanges de personnel avec les forces américaines. »