Ce n'est pas demain la veille que les policiers de Montréal connaîtront les détails de l'entente intervenue entre leur syndicat et la Ville. La Fraternité des policiers et policières compte prendre tout son temps pour bien préparer le message qu'elle livrera à ses membres dans une assemblée qui devrait avoir lieu après les vacances estivales. Les policiers, eux, espèrent obtenir une sérieuse compensation en échange d'inévitables modifications au financement de leur régime de retraite.

ATTENTION AUX RUMEURS

« Nous vous mettons en garde contre les rumeurs, bonnes ou mauvaises. Le portrait est complexe et nécessite les explications qui vous seront faites et sans lesquelles une véritable compréhension est impossible », lit-on dans un courriel envoyé par le bureau syndical aux policiers après l'annonce de l'entente pour le renouvellement de leur convention collective, du 1er janvier 2015 jusqu'à la fin de 2021. La Fraternité les prévient qu'il faudra tout le mois de juillet aux avocats, négociateurs et économistes pour rédiger les textes définitifs et préparer la présentation de l'entente aux policiers, qui s'attendent à ne pas être convoqués avant août ou septembre. Chose certaine, le port des pantalons fantaisistes est bel et bien terminé. La Fraternité s'est refusée à tout commentaire sur les détails de l'entente, hier. Samedi, le maire Denis Coderre avait dit que c'était une entente « gagnant-gagnant ».

L'ANCIEN RÉGIME DE RETRAITE INTENABLE

Si les détails de l'entente demeurent inconnus, une chose est acquise : le temps où les syndiqués cotisaient à hauteur de 25 % à leur fonds de pension, contre 75 % pour l'employeur, est révolu. La loi 15 impose la parité. Bien des policiers savaient que l'ancien système ne tiendrait pas, nous ont confié certains d'entre eux. Ce qu'ils ont hâte de savoir, c'est la compensation qu'ils obtiendront, puisque la hausse prévisible de leur cotisation amputerait considérablement leur salaire. Dans le passé, Montréal a avancé que ce changement coûterait à chaque syndiqué 2400 $ par an. La Fraternité parlait plutôt de 6000 $.

DE NOMBREUSES SOLUTIONS

Le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Marc Ranger, a été au coeur de la bataille contre la loi 15, son syndicat représentant les pompiers, les cols blancs et les cols bleus de Montréal. Il dit ne pas être au courant des détails de l'entente obtenue par les policiers. « Il y a plusieurs façons d'aller chercher une compensation pour ces concessions sur le régime de retraite. Une centaine de régimes ont déjà été renégociés en fonction de la loi 15. À certains endroits, on a repoussé l'âge de la retraite pour allonger la période de cotisation. Parfois on cherche une compensation en salaire. Quand tu es policier à Montréal, ça se peut que tu veuilles avoir une carrière plus courte que dans une petite ville. J'imagine que ce n'est pas le report de l'âge de la retraite qui est examiné », analyse-t-il.

DU CÔTÉ DE LA SQ

Les policiers de Montréal ont certainement regardé du côté de leurs homologues de la Sûreté du Québec (SQ), qui ont entériné ce week-end une entente intervenue il y a quelques semaines avec le gouvernement. Ceux-ci cotisaient pour le tiers à leur fonds de pension, l'État versant les deux tiers. Au terme de leur nouvelle convention collective (en vigueur d'avril 2015 à avril 2022), chacun paiera la moitié. Au cours de cette période, leur salaire sera haussé de 17,5 %, soit considérablement plus que ce qu'ont obtenu les autres employés de l'État.

AUTRES EMPLOYÉS MUNICIPAUX

Après des années de contestation des syndiqués - les cols bleus, les cols blancs, les pompiers et maintenant les policiers -, Montréal a réglé l'épineuse question des régimes de retraite avec l'essentiel de ses salariés. « Les pompiers sont allés chercher des montants forfaitaires que la Ville va leur rembourser pour compenser le changement au régime de retraite », note Marc Ranger. Leur syndicat devra cependant dédommager la Ville pour une manifestation qui avait dégénéré à l'hôtel de ville en août 2014, au plus fort de la lutte contre la loi 15. La contestation de la constitutionnalité de certains éléments de la loi par les syndicats n'est en outre pas terminée, et les parties devraient se voir en Cour d'appel en novembre.

RESPECT DE L'ENTENTE

Les cols blancs ont obtenu en 2016, après quatre ans sans convention, des hausses maximales de 2,5 % par année de 2012 à la fin de 2018, et atteindront aussi la parité dans le financement de leur régime de retraite. « J'imagine que les policiers ont signé parce qu'ils ont trouvé leur compte. Mais je leur souhaite que leur entente soit respectée. Nous, des clauses importantes sur lesquelles nous avons fait des concessions ne sont même pas respectées et nous sommes en grief. Je tente de rencontrer le maire depuis octobre pour en parler », déplore le président du syndicat des cols blancs, Alain Fugère, qui a bien hâte de voir ce que les policiers ont obtenu, lui qui voit déjà venir la prochaine négociation, dans un peu plus d'un an.

COMBIEN GAGNE UN POLICIER DU SPVM* ?

• Constable à l'embauche 40 837 $

• Constable, après 24 mois 50 853 $

• Constable, après 48 mois 63 951 $

• Constable, après 72 mois 77 050 $

• Sergent et sergent-détective 85 523 $

• Sergent superviseur de quartier 89 799 $

• Lieutenant et lieutenant-détective 94 076 $

• Capitaine et capitaine-détective 102 543 $

* Salaires à la dernière année de la convention collective se terminant en décembre 2014, sans tenir compte des primes et des heures supplémentaires

LE CONFLIT EN QUELQUES DATES

4 juillet 2014

Les policiers cessent de porter le pantalon de l'uniforme réglementaire afin de protester contre le projet de loi imposant la parité dans le financement des régimes de retraite du secteur public.

18 août 2014

Une manifestation dégénère et une centaine de syndiqués, dont de nombreux pompiers, investissent bruyamment l'hôtel de ville pour protester contre la loi 15. Les policiers interviennent mollement. Le directeur Marc Parent en portera la responsabilité, jurant que la réaction de ses agents n'était pas liée au fait qu'eux-mêmes contestent la loi.

31 décembre 2014

La convention collective des policiers arrive à échéance.

9 juin 2015

Le fait qu'ils aient refusé de revêtir l'uniforme pour les funérailles nationales de Jacques Parizeau met les policiers du SPVM dans l'embarras. Ils avaient pourtant fait trêve lors des funérailles de Jean Béliveau, en décembre 2014.

27 avril 2017

Le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux dépose un projet de loi pour rendre obligatoire le port de l'uniforme, même en temps de négociations.

25 mai 2017

Trois mille policiers manifestent et perturbent l'illumination du pont Jacques-Cartier dans le cadre des fêtes du 375e anniversaire de Montréal. L'événement a d'ailleurs été repris hier

19 juin 2017

Les policiers mettent fin au port des pantalons fantaisistes pendant la dernière ligne droite des négociations.

24 juin 2017

Une entente de principe intervient entre Montréal et les policiers.