« Ces institutions ne sont pas menacées, au contraire ! », a martelé hier le directeur général d'Espace pour la vie, Charles-Mathieu Brunelle. Le grand patron du Jardin botanique, de l'Insectarium, du Biodôme et du Planétarium assure que la mission scientifique des quatre musées n'a « jamais été mise en péril d'aucune façon » par sa réforme administrative.

Or, le conservateur du Jardin botanique, Michel Labrecque, muselé par ses supérieurs cette semaine, se dit plus que jamais préoccupé par l'avenir de cette grande institution scientifique.

Critiqué également par Projet Montréal et l'ex-maire de Montréal Pierre Bourque, Charles-Mathieu Brunelle a reconnu hier que cette inquiétude « face au changement » était « bien réelle » et « légitime ». « Mais on doit aussi rétablir les faits, et les faits, c'est que [...] le nom des institutions ne disparaît pas, l'identité des institutions ne disparaît pas, alors il n'y a rien de changé », a-t-il expliqué hier après-midi en marge du dévoilement du Parcours des phytotechnologies, un projet de 14,5 millions.

Cette réorganisation administrative d'Espace pour la vie n'est pas une fusion des musées, assure-t-il. Concrètement, le directeur du Jardin botanique devient le directeur de la conservation et de la recherche pour les quatre musées d'Espace pour la vie et la directrice de l'Insectarium devient la directrice des programmes publics des quatre musées. Les deux autres directeurs prendront leur retraite. Un poste de conservateur au Planétarium sera aussi créé. « Ça va renforcer la mission de base de conservation et de diffusion de cette conservation dans quatre musées », maintient Charles-Mathieu Brunelle.

Conservateur du Jardin botanique depuis 20 ans, Michel Labrecque a sonné l'alarme vendredi dernier en exprimant son inquiétude à la radio par rapport à cette réforme. Hier, il a accepté de revenir sur le sujet, cette fois avec l'autorisation de son supérieur, même si le fait d'en parler risque « absolument » de mettre son poste en danger, croit-il. « C'est une question politique, délicate. On m'a demandé de ne pas intervenir sur la scène publique. Est-ce que je suis rassuré ? Non. Je suis inquiet pour le Jardin, pour l'avenir du Jardin dans ces conditions », a-t-il soutenu, en mêlée de presse.

L'abolition du poste de directeur du Jardin botanique menace l'identité et le rayonnement international de l'institution, soutient Michel Labrecque.

« Une institution sans directeur n'est pas une institution qui se respecte. Je ne suis pas rassuré. Je ne connais pas de grands jardins, avec qui on se compare, [qui] marchent comme ça. »

Ainsi, le directeur du Jardin, qui dirigera dorénavant les collections des quatre musées, sera appelé à prendre des décisions sur toutes les collections scientifiques, déplore Michel Labrecque. « Je ne connais personne dans le monde capable d'orienter d'un point de vue scientifique les collections sur les météorites, les insectes, les poissons et les plantes, et dire [laquelle] est plus pertinente : cette collection de météorites ou cette collection de poissons ? », image-t-il.

« ON EST NOMBREUX À AVOIR MAL COMPRIS »

Selon Charles-Mathieu Brunelle, Michel Labrecque a tout simplement mal compris les détails de la réorganisation d'Espace pour la Vie. Une réponse qui a fait réagir le conservateur. « Si j'ai mal compris, il y a des centaines de milliers de personnes qui comprennent mal la réforme aussi. La communauté scientifique s'inquiète beaucoup aussi. On est nombreux à avoir mal compris, ça se peut qu'on ait tous mal compris, journalistes inclus », a-t-il ironisé.

Hier matin, à l'émission Gravel le matin à ICI Radio-Canada Première, Charles-Mathieu Brunelle a qualifié de « fausses nouvelles » la sortie de Michel Labrecque vendredi dernier à la même émission.

Pour la chef de Projet Montréal, Valérie Plante, l'administration Coderre doit cesser de « dénigrer » M. Labrecque et doit plutôt écouter ses préoccupations concernant le maintien du mandat scientifique des quatre institutions muséales. « Je veux que Denis Coderre cesse d'être aussi méprisant envers les lanceurs d'alertes, qu'il écoute les experts et qu'il aille s'asseoir avec eux. [Il doit] cesser de les dénigrer en disant que ce sont des "fake news" ou des fausses nouvelles, je trouve ça déplorable comme attitude », a-t-elle dénoncé en mêlée de presse, hier matin à l'hôtel de ville.