Dimanche matin, Patrick Lalonde peignait sans souci les moulures de la demeure qu'il vient tout juste d'acheter rue Cousineau, dans le secteur Cartierville, à Montréal. Sa maison étant séparée par une quinzaine d'autres du bord de la rivière, il était loin de s'imaginer qu'en une seule journée son sous-sol se remplirait d'eau, que son nom figurerait sur la liste des 1520 personnes évacuées au Québec et que sa ville décréterait l'état d'urgence.

La scène est d'autant plus surréaliste qu'à son réveil, dimanche matin, même les riverains de la rivière des Prairies ne lui semblaient pas menacés.

«L'eau était haute chez quelques voisins au bord de la rivière, mais sans plus. Il n'y avait pratiquement rien dans la rue. Ça s'est mis à monter de façon fulgurante, en trois heures. Ç'a été une crue monstrueuse. Ç'a été une journée terrible pour beaucoup d'entre nous dans le voisinage. On a été forcés d'évacuer», raconte Patrick Lalonde, qui s'interroge sur la gestion du barrage de Carillon, qui a été ouvert à capacité maximale en amont de la rivière des Prairies.

«Le barrage de Carillon est géré par Hydro-Québec et il est considéré "au fil de l'eau", c'est-à-dire qu'il n'a pas de réservoir et qu'il n'a pas d'impact significatif sur le débit. Il n'y a pas lieu d'être inquiets», a affirmé le ministre de l'Environnement, David Heurtel.

«L'électricité est coupée, le gaz aussi. On vient de remonter la pompe parce qu'elle était submergée», explique Patrick Lalonde, qui a emménagé lundi dernier avec son conjoint après plusieurs semaines de travaux.

«On vient de tout, tout, tout rénover. On a très peur que le rez-de-chaussée y passe», évoquait M. Lalonde en soirée, alors que l'eau était à une trentaine de centimètres de gagner cet étage.

État d'urgence

Dimanche après-midi, la Ville de Montréal a décrété pour la première fois de son histoire l'état d'urgence sur son territoire, les arrondissements de L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève, de Pierrefonds-Roxboro et d'Ahuntsic-Cartierville étant fortement touchés par les inondations printanières.

«La Ville de Montréal vit actuellement une situation exceptionnelle et historique eu égard à la crue des eaux et aux inondations, une première pour notre métropole, a affirmé le maire Denis Coderre. La priorité demeure avant tout la sécurité des citoyens, c'est dans cette optique que j'ai pris la décision de décréter l'état d'urgence. De ce fait, notre autorité municipale se dote de pouvoirs décisionnels supplémentaires qui évolueront en fonction de l'évolution des besoins, notamment sur le plan des évacuations et des ressources financières et humaines.»

L'état d'urgence est en vigueur jusqu'à mardi et sera renouvelé au besoin. Laval a agi dans le même sens. Par ailleurs, la Sécurité publique a ouvert quatre centres de coordination pour gérer les interventions sur le terrain et le nombre de soldats appelés en renfort a été augmenté à 1200.

«Les centres [de coordination] reçoivent les demandes de municipalités. Les demandes sont analysées, priorisées par tous les membres autour de la table [et on déploie ensuite] les ressources sur le territoire», a déclaré le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux.

«Vendredi matin, on était face à un scénario [...] où les niveaux allaient augmenter en atteignant des maximums entre [lundi] et mercredi, selon les endroits. Je réitère un message important. Même si la situation risque de s'améliorer par la suite, il n'en reste pas moins que plusieurs résidences demeureront inondées pendant un certain temps et les risques demeureront», a rappelé le ministre avant de saluer la capacité des Québécois à se mobiliser.

En soirée, 146 municipalités étaient sinistrées, près de 2500 maisons étaient inondées et plus de 1500 personnes étaient évacuées.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Denis Coderre a livré une conférence de presse sur le boulevard Gouin, à Pierrefonds, dimanche.

«Du jamais vu»

«Il y a deux grandes causes fondamentales, a avancé le ministre de l'Environnement David Heurtel. La pluie continuelle d'avril et de mai, mais aussi un hiver extrêmement rigoureux dans le Nord, où se trouve le bassin versant de la rivière des Outaouais.»

La fonte des neiges a produit une quantité d'eau hors du commun, occasionnant un débit extrêmement rapide de 9000 mètres cubes par seconde.

«Du jamais vu en 55 ans», a témoigné le ministre.

Dimanche, le débit se situait entre 8800 et 8900 mètres cubes par seconde et la baisse du débit devrait commencer à se faire sentir à compter de demain.

«Un effet domino va nous permettre d'espérer que les niveaux commencent à baisser à partir de mercredi et vers la fin de la semaine. Il y a lieu d'avoir de l'espoir. On est dans le pire de la situation», a noté le ministre de l'Environnement.

Par ailleurs, de nombreux établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur sont forcés de fermer leurs portes en raison des inondations. C'est le cas à Montréal, à Vaudreuil-Dorion, à Saint-Eustache, à Saint-Jérôme, en Outaouais et en Montérégie, notamment. 

Visite surprise de Justin Trudeau 

Le premier ministre du Canada Justin Trudeau a offert une visite surprise aux citoyens touchés par les inondations à Terrasse-Vaudreuil, à l'ouest de Montréal. Vêtu d'une paire de jeans bleus et d'un chandail à capuchon noir, il est allé constater l'état des lieux en toute simplicité, à l'insu des médias. 

«Amis, voisins, civils et militaires aidant ensemble des sinistrés. Ce que j'ai vu par exemple à Terrasse-Vaudreuil au Québec est inspirant», a écrit le premier ministre sur son compte Twitter.

Photo Reuters

Justin Trudeau a offert une visite surprise aux citoyens de Terrasse-Vaudreuil.