Le Bureau de l'inspecteur général de Montréal (BIG) a ouvert une enquête relativement à des contrats pour la mise à niveau des feux de circulation, a appris La Presse.

Selon les informations recueillies, les vérifications en cours concerneraient le partage présumé de contrats parmi des fournisseurs de la Ville. Rien n'indique pour l'instant si le stratagème aurait été mené à l'insu de Montréal. Chose certaine, il aurait été en place avant l'arrivée au pouvoir de l'administration Coderre.

Des témoignages ont été recueillis et certains appels d'offres publics ont même été suspendus pour permettre à l'équipe de l'inspecteur général de poursuivre son analyse.

Au BIG, on ne confirme ni infirme la tenue de cette enquête, soulignant que les dossiers sont traités de façon confidentielle.

Non-conformité réglementaire

L'enquête découle d'un dossier concernant un problème de non-conformité réglementaire du système de feux de circulation relevé à l'été 2013. Ce dossier aurait mis en lumière un certain laxisme, volontaire ou non, parmi les structures administratives, ce qui aurait pu avantager des sous-traitants de la Ville.

Depuis 2002, la Ville de Montréal a mis en place un programme de remplacement de 1716 feux de circulation. Cette vaste mise à niveau arrivait presque à échéance lorsque le problème de non-conformité de certaines composantes du système a été souligné, laissant voir que pendant 11 ans, la Ville a installé des feux de circulation dont elle ignore la conformité.

Des doutes sur le dossier ont été soumis, au cours des derniers mois, au bureau de la vérificatrice générale de Montréal au regard d'un possible manque de transparence de la part du bureau du Contrôleur général de la Ville. 

Le Contrôleur général aurait été prévenu de la situation au début de l'année 2014 et aurait «étouffé l'affaire», selon la personne qui a porté plainte et qui ne souhaite pas être nommée.

Quelques mois après que l'alerte eut été sonnée à l'interne, un rapport sur la conformité de plusieurs composantes du système des feux de circulation est venu déterminer les problèmes, proposer des solutions et évaluer l'impact financier - qui se chiffrerait en millions - des changements à effectuer. La Presse a obtenu ce rapport dans une «version préliminaire à 90%» comme il est mentionné.

On y souligne que plusieurs éléments du système des feux de circulation ne satisfont pas aux exigences édictées par le chapitre concernant l'électricité dans le Code du bâtiment. «Plusieurs éléments du code électrique ne sont pas pris en considération ou ont été mal interprétés», écrit l'ingénieur qui signe le rapport.

C'est le cas avec le système de mise à la terre pour lequel il n'y a «aucune information disponible sur sa conformité». On précise même qu'il y aurait des lacunes dans la compréhension de la notion de mise à la terre au sein du personnel.

Corrections discrètes

Depuis 2014, la Ville de Montréal a entrepris de corriger le tir. Les ajustements ne concernent toutefois que les nouvelles installations.

«Tous les feux vont être remplacés au fur et à mesure que des changements sont rendus nécessaires par la désuétude ou à cause d'un accident. Pour tous les autres, il faudrait déterrer les 19 000 feux de circulation et faire une vérification alors qu'il n'y a pas de risque pour la sécurité», a affirmé le porte-parole de la Ville Philippe Sabourin.

Selon M. Sabourin, certains éléments du rapport interne ne peuvent être qualifiés de problèmes. «Il y a le Code et il y a l'interprétation du Code. Pour avoir l'assurance que nos façons de faire sont conformes, on a eu recours à une firme d'ingénieurs externe indépendante pour faire un dessin technique. Ce dessin sert maintenant de référence», a-t-il expliqué.

Le rapport interne souligne également que les différentes composantes du système de feux de circulation devraient afficher la «certification CSA électrique». Sur ce point, la Ville reconnaît le problème et a entrepris un virage.

«Dans une perspective d'amélioration continue, on s'est dit qu'il fallait avoir l'homologation CSA. C'est maintenant dans les plans et devis. [...] On nous vendait des tubulaires d'acier galvanisé qui répondaient à nos besoins. Et maintenant, on voit qu'ils n'étaient pas estampillés CSA», a indiqué M. Sabourin.

Une source connaissant bien le problème des feux de circulation a insisté auprès de La Presse pour dire que la Ville a acheté du matériel sans homologation et que des entrepreneurs l'ont installé et tout cela selon des plans et devis signés par un ingénieur de la municipalité ou, parfois, par un ingénieur d'une firme externe.

Le porte-parole de la Ville a tenté de minimiser le dossier, en soulignant que la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) n'a pas autorité sur les feux de circulation qui ne sont pas des installations électriques mais plutôt de l'appareillage, au sens du Code du bâtiment. À la RBQ, on confirme cette interprétation tout en rappelant qu'il est «toujours recommandé d'utiliser de l'appareillage ou du matériel approuvé».