Un bon repas chaud, de la chaleur humaine et beaucoup d'amour : ces ingrédients de base d'un Noël festif sont malheureusement inaccessibles pour des dizaines de milliers d'aînés seuls. Or, dimanche à Montréal, l'organisme Les Petits Frères a fait le bonheur de centaines de personnes âgées sorties de leur solitude pour un Noël d'antan.

« Je suis jeune, jeune de coeur ! », lance Ovide Bouchard, toujours espiègle malgré ses 92 ans. Attablé avec son accompagnatrice des Petits Frères Louise Giroux, le « jeune homme » participe pour la cinquième fois au repas de Noël de l'organisme, offert gratuitement au Centre Sheraton pour la 31e année. Sa complicité avec sa nouvelle amie est évidente. « C'est du bonheur pur ! », assure la bénévole. « Avant, je voyais deux, trois Vieux Amis la veille de Noël et je mangeais avec mes parents. Depuis leur décès, j'ai commencé à en visiter chez eux. J'aime ça, c'est une belle sortie ! »

« J'adore venir ici ! », s'exclame Gaëtane Streel. La femme de 77 ans au rire contagieux respire le bonheur, malgré une année difficile. Un accident de voiture l'a clouée dans un lit d'hôpital et un cancer persistant refuse de disparaître. Mais rien de tout cela ne l'a empêchée de mettre la main à la pâte. « J'ai travaillé pour Moisson Montréal pour Noël. On a préparé 1983 tourtières à trois en seulement quatre jours ! », dit-elle, aux côtés de son mari Martin Bernier, 89 ans. Comme l'an dernier, c'est Neel Ramdoyal qui l'accompagnait dimanche. La jeune femme et son mari s'impliquent dans l'organisme Les Petits Frères depuis leur arrivée au Québec en 2015.

Environ 350 aînés et une centaine de bénévoles ont participé au traditionnel événement organisé dimanche midi au centre-ville de Montréal. D'autres événements similaires avaient lieu partout au Québec. Le 24 décembre, des bénévoles de l'organisme actif toute l'année ont rendu visite à plus de 500 aînés à leur domicile. « Le besoin est immense. Il y a trop de gens qui sont seuls à Noël, trop d'aînés qui sont seuls toute l'année. Quand ils ont des moments difficiles, c'est important d'être avec eux », soutient la directrice générale des Petits Frères, Caroline Sauriol.

Bonnet sur la tête et sourire charmeur, Manuel Sahaguian ne fait pas ses 90 ans. « Je n'ai pas perdu le nord ! », blague-t-il. L'Égyptien d'origine arrivé au Québec il y a cinq décennies était ravi d'être accompagné par la jeune Josianne Poirier pour le dîner de Noël. « C'est magique ! », dit-elle, en lançant un regard complice à son Vieil Ami. « J'ai du temps à Noël pour redonner. C'est comme une deuxième famille. On développe un lien entre les bénévoles et les Petits Frères. C'est un moment qu'on attend durant l'année ! », se réjouit-elle.

Pierre Higgins est descendu de Saint-Alexis-des-Monts, en Mauricie, dimanche matin, pour être aux côtés de Philippe Riel, un grand gaillard tiré à quatre épingles, et de Pierre Lafleur, qui portait son noeud papillon pour l'occasion. « Je n'aime pas que des personnes âgées soient seules à Noël. Je préfère appeler ma famille et venir ici. C'est plus valorisant. Mais je le fais aussi pour moi. C'est le fun de redonner », explique le bénévole.

Pour la 10e année, la comédienne Béatrice Picard, marraine de l'organisme Les Petits Frères, était présente dimanche pour parler avec ses « neveux et nièces ». « C'est terrible être seul ! C'est la plus grande infortune. L'amour des gens, c'est important. Ce que Les Petits Frères tentent de faire, c'est de lutter contre la solitude des personnes âgées. Je pense qu'ils réussissent assez bien, quand on réussit à dénicher ces personnes, parce que bien souvent, elles se replient sur elles-mêmes », explique-t-elle.

La ministre responsable des aînés, Francine Charbonneau, a rappelé le rôle essentiel de l'organisme Les Petits Frères, dimanche. « [C'est important] d'avoir un endroit pour pouvoir célébrer [Noël] et avoir cette impression d'être en famille avec des gens qui nous aiment, de sortir de l'isolement », a dit la ministre. Même son de cloche du côté du maire de Montréal Denis Coderre qui rappelle que trop de gens sont seuls, même pour Noël. « Les Petits Frères, c'est une organisation qui est importante pour moi ! »