Les maires de plusieurs arrondissements ont fait une sortie virulente, aujourd'hui, contre le projet de loi du gouvernement provincial qui donnera au maire Denis Coderre le pouvoir de rapatrier plus facilement les pouvoirs des administrations locales.

Mécontents, les maires d'Anjou et de LaSalle songent même à tenir des référendums pour se défusionner de la Ville de Montréal, si le projet de loi était adopté à l'Assemblée nationale.

« Si j'avais su ce que je sais aujourd'hui, c'est sûr que j'aurais milité pour défusionner [en 2004] », a dénoncé la mairesse de l'arrondissement LaSalle, Manon Barbe lors d'un point de presse à l'hôtel de ville. « Lors des élections, j'ai mis ma face sur un poteau en disant à mes citoyens : il faut rester à Montréal parce qu'on a une entente écrite avec Québec et Montréal que les limites, les pouvoirs et la gouvernance des arrondissements ne seront pas touchés. Depuis l'élection de [Denis Coderre en] 2013 c'est un morceau après l'autre qui part », a-t-elle ajouté.

Manon Barbe était entourée du maire de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève, Normand Marrinacci, du maire d'Anjou, Luis Miranda, de la mairesse d'Outremont, Marie Cinq-Mars, du maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez et du maire de Rosemont, François Croteau.

Les maires, qui siègent tous dans l'opposition, en ont contre le projet de loi 120, débattu aujourd'hui à Québec.

S'il est adopté, la Charte de la Ville de Montréal sera modifiée pour faciliter la centralisation des pouvoirs des arrondissements vers la ville centre. Le maire Denis Coderre, qui a entrepris une importante opération de centralisation aurait donc les coudées franches durant la dernière année de son mandat.

« Moi j'ai beaucoup de citoyens qui me demandent, pourquoi on ne sort pas de Montréal? On est vraiment écoeurés», a dit le maire Marrinacci.

Que prévoit le projet de loi 120 ?

Le déneigement, le stationnement, l'enlèvement des ordures, la gestion d'une grande partie des rues locales et le règlement sur les pitbulls sont des exemples de compétences d'arrondissement qui ont récemment été rapatriées sous le giron de la ville centre. Au conseil municipal d'aujourd'hui, la gestion de tous les véhicules des arrondissements s'est ajoutée à la liste.

Actuellement, si la ville centre veut exercer la compétence d'un arrondissement, elle peut le faire pour une période de deux ans si le conseil municipal adopte une résolution à 50%+1 des voix de ses membres. Mais pour prolonger ce pouvoir pour deux années supplémentaires, elle doit obtenir l'appui des deux tiers des élus.

Le projet de loi 120 ramènerait le taux d'appuis nécessaires après deux ans de deux tiers à 50%+1.

« Imaginez si le Canada pouvait modifier la constitution avec seulement 50% du vote des provinces », a tonné le maire François Croteau.

Les élus du parti du maire Coderre sont majoritaires, mais ne détiennent pas les deux tiers des voix au conseil municipal. Force est de constater que le maire n'a pas assez d'appuis au sein des conseillers des oppositions poursuivre son grand projet de centralisation.

« On a un maire qui est en power-trip complet et un gouvernement qui est en train de lui fournir carrément les allumettes et le baril de poudre. C'est un pyromane à qui ont donne tous les instruments pour mettre le feu. Denis Coderre n'a jamais pris l'engagement en campagne électorale de prendre tous ces pouvoirs-là, c'est un déni de démocratie », a martelé François Croteau.

Réactions de Coderre et de Coiteux

Appelé à réagir à sa sortie du conseil municipal, le maire Coderre estime que la réforme qu'il a mise en place « fonctionne très bien ».

« On est en train de se donner une ville. La population nous dit : on veut avoir de l'harmonie. Est-ce qu'on a besoin d'avoir 19 sortes de contrats? » a-t-il demandé. « C'est sûr, il y a des gens qui essaient de protéger leurs territoires et c'est des gens qui sont dans l'opposition aussi. Mais au bout de la ligne, on investit davantage », a ajouté le maire Coderre.

Par la voix de son attachée de presse, Marie-Ève Pelletier, le ministre des Affaires municipales Martin Coiteux a expliqué son projet de loi.

« Sans la modification législative proposée, la Ville de Montréal ne pourrait plus, après le 31 décembre 2016, si elle n'obtient pas le deux tiers des voix du conseil de ville, se charger de certains services tels que l'opération des lieux d'élimination de la neige, malgré qu'elle ait la majorité absolue du conseil. La Ville risquerait donc de ne pas pouvoir conserver l'exercice de certaines compétences, ce qui entraînerait une réorganisation coûteuse de ses opérations et un impact sur son budget de 2017 », a-t-elle expliqué dans un courriel jeudi dernier.