Les nids-de-poule de Montréal seront désormais couverts par une garantie. Si les réparations pour les faire disparaître ne tiennent pas 30 jours, l'entrepreneur devra refaire le colmatage du trou à ses frais. Certains estiment en effet que si Montréal connaît une saison des nids-de-poule « catastrophique », c'est principalement en raison des réparations qui ne tiennent pas le coup.

Année « catastrophique »

Plusieurs l'ont remarqué : les nids-de-poule sont plus nombreux cette année. « On peut clairement dire que c'est une catastrophe sur l'ensemble du territoire », n'hésite pas à dire François Croteau, maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie. Si les trous pullulent autant cette année dans les rues de la métropole, c'est que la majorité des réparations faites l'an dernier ont cédé cet hiver en raison des épisodes répétés de gel-dégel et de l'humidité élevée, rapporte l'élu. « On ne peut pas accuser quelque élu que ce soit de négligence : la température a fait que ça a explosé. » En fait, si blâme il doit y avoir, le maire d'arrondissement estime qu'il concerne le manque d'investissements dans l'entretien des rues au cours des 20 dernières années. « On en paye le prix aujourd'hui », estime François Croteau.

Nouveau contrat, nouvelles règles

Consciente que de nombreuses réparations sont souvent rapidement à refaire, la Ville de Montréal a décidé de réviser ses façons de faire. Pour la première fois, le prochain contrat de colmatage des nids-de-poule prévoit que l'entrepreneur devra noter l'emplacement précis par GPS de chacun des trous colmatés par ses appareils. Ces données permettront à la Ville de lui demander de refaire le travail gratuitement si elle constate que les réparations ne tiennent pas au moins un mois. « Si ça ne dure pas 30 jours, c'est que ç'a été mal fait », dit Lionel Perez, élu responsable des infrastructures au sein de l'administration Coderre. C'est l'entreprise Myrroy, établie à Saint-Hyacinthe, qui vient de décrocher ce nouveau contrat estimé à 9,5 millions sur trois ans. Elle exploitera 10 appareils qui sillonneront les rues pour boucher les trous de façon mécanique.

Repérer les foyers de nids-de-poule

Au-delà d'offrir une garantie à la Ville, la localisation des nids-de-poule par GPS permettra de cartographier les endroits où sont colmatés les trous. Montréal pourra ainsi connaître avec beaucoup plus de précision les endroits les plus problématiques sur son territoire et décider de retaper les rues où les nids-de-poule prolifèrent le plus. À terme, Montréal envisage même de payer les entrepreneurs en fonction du nombre de trous colmatés et non pas en fonction du temps passé sur la route, comme c'est présentement le cas.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Des nids de poules, rue Bellechase a la hauteur de la 16e avenue.

« Soins palliatifs »

Si cette garantie de 30 jours peut paraître courte, Lionel Perez rappelle que le colmatage des nids-de-poule est une « mesure palliative » en attendant que la chaussée soit refaite. Ce type de réparations doit en théorie durer seulement de 3 à 18 mois.

Le véritable travail pour faire disparaître à long terme les nids-de-poule consiste à refaire en profondeur les chaussées. La métropole dit avoir considérablement accentué ses efforts à ce chapitre. Montréal consacrera à cet effet pas moins de 250 millions en 2016, soit près de trois fois plus qu'il y a trois ans.

Acharnement thérapeutique ?

Certaines rues sont en si mauvais état que le maire de Rosemont, François Croteau, en vient à se demander s'il est encore utile d'y colmater les nids-de-poule. L'arrondissement a beau les colmater, ceux-ci réapparaissent rapidement en raison de la dégradation avancée de la chaussée. L'élu pense notamment à la rue Bélanger, entre Christophe-Colomb et Papineau, tristement célèbre pour sa chaussée éventrée. « On ne peut même plus dire que la rue est sur un respirateur artificiel : son état est lamentable. La chaussée a besoin d'une intervention d'urgence, c'est épouvantable ». Son arrondissement compte transmettre des photos au responsable montréalais pour que l'artère soit refaite en priorité. « Il faut la refaire, sinon on perd notre temps et on gaspille notre argent à boucher des nids-de-poule qui sont à refaire chaque semaine. »

Effet limité

Montréal ne s'en cache pas, le colmatage des nids-de-poule de façon automatisée a une durée de vie limitée. Le Centre d'expertise et de recherche en infrastructures urbaines, qui a produit en 2010 un guide sur les meilleures pratiques pour colmater ces verrues urbaines, souligne que la performance des opérations de colmatage automatisé n'a pas été validée scientifiquement. Le groupe ajoute que les conditions durant la réparation influencent aussi grandement l'efficacité. Le fond des trous doit être bien nettoyé avant d'y injecter le bitume, la présence d'eau ou d'humidité l'empêchant de bien adhérer à la chaussée. Même si ces réparations ne durent pas longtemps, Lionel Perez assure que Montréal ne jette pas son argent par les fenêtres. « C'est pour une raison de sécurité pour les automobilistes, mais aussi pour les cyclistes qui sont de plus en plus nombreux. »

Blitz les fins de semaine

Le nouveau contrat pour le colmatage des nids-de-poule prévoit que l'entrepreneur devra mener des opérations chaque fin de semaine sur certaines voies jugées prioritaires. Ce circuit de 270 km inclut le boulevard Pie-IX, la rue Notre-Dame et les voies de desserte de l'autoroute 40, comme Crémazie. Ces opérations de colmatage de fin de semaine seront réalisées de façon systématique plutôt qu'au besoin après un redoux ou une pluie forte. « Le but est que lorsque les gens retournent au travail le lundi matin,  les artères soient dans un bon état », résume Lionel Perez.

Négos avec les cols bleus

En plus des dix machines du privé qui sillonneront les rues de Montréal, la métropole entend également acheter quatre de ces appareils pour permettre aux 19 arrondissements de colmater les trous dans leurs rues locales. Mais avant de concrétiser cet achat, Montréal doit toutefois négocier une entente avec les cols bleus. Leur convention collective leur interdit en effet de travailler dans plus d'un arrondissement. Or, comme la métropole compte acheter seulement quatre machines pour les 19 arrondissements, les cols bleus affectés à ce travail devront nécessairement travailler dans plusieurs secteurs à la fois. Le syndicat des cols bleus a indiqué à La Presse être ouvert à l'idée d'effectuer ce travail en régie et négocie actuellement une entente avec la Ville.

PHOTO PATRICK SANFACON, LA PRESSE

Les cols bleus en train de combler des nids-de-poule, rue Masson, dans Rosemont.