Le maire Denis Coderre continue à juger justifiée l'embauche d'un consultant à 1800 $ par jour même si Montréal a accueilli beaucoup moins de réfugiés syriens que prévu. Y voyant un échec gênant, l'opposition craint maintenant que le Bureau d'intégration des nouveaux arrivants dont se dotera la métropole ne soit qu'une « coquille vide ».

La Ville de Montréal a présenté hier un premier bilan de l'opération d'accueil des réfugiés syriens. Alors que la métropole s'attendait au départ à recevoir 4300 réfugiés en trois semaines, seulement 1462 sont arrivés au cours des deux derniers mois. Et du nombre, seulement 19 sont pris en charge par le gouvernement, les autres étant parrainés au privé, donc ne sollicitant que très peu les services.

Ces chiffres ont fait bondir l'opposition, qui a remis à nouveau en question l'embauche d'un consultant externe pour coordonner les activités d'accueil pour Montréal, consultant qui reçoit 110 000 $ pour trois mois de travail.

« Les Montréalais ont donc payé Michel Dorais 1800 $ par jour pour accueillir 19 personnes. L'embauche d'un proche du maire Coderre était déjà gênante, aujourd'hui, force est d'admettre qu'il s'agit d'un échec », soutient Laurence Lavigne Lalonde, conseillère de Projet Montréal.

Le maire Coderre estime toutefois que Michel Dorais, qui a été sous-ministre à l'Immigration alors qu'il était titulaire de ce ministère à Ottawa, aura permis à la métropole de mieux se préparer à l'arrivée en plus grand nombre des réfugiés. « [Les réfugiés] vont arriver pareil, ça va nous donner plus de temps pour être mieux préparés pour les recevoir », a-t-il dit.

Deuxième vague attendue

Si les réfugiés ont été moins nombreux que prévu, la métropole s'attend en effet à ce que la cadence d'arrivée augmente au cours des prochaines semaines. La Ville a été avisée récemment qu'un avion de réfugiés atterrirait chaque jour à Montréal d'ici le 5 février, pour un total de près de 3000 personnes. La métropole ignore toutefois combien d'entre eux sont destinés à rester sur son territoire et combien iront ailleurs au Québec ou au pays.

Les réfugiés parrainés par l'État arrivant au Québec sont accueillis dans 13 villes de la province, dont Montréal. La métropole s'attend toutefois à ce qu'une importante partie de ceux qui aboutiront dans les 12 autres municipalités québécoises décide de venir s'établir sur son territoire. « Montréal s'attend à une migration secondaire des 12 autres municipalités en région vers Montréal [...] qui pourrait être importante à moyen terme », indique le bilan réalisé par Michel Dorais.

C'est pour cette raison que la Ville compte suivre sa principale recommandation qui consiste à mettre en place un bureau d'intégration des nouveaux arrivants. Le consultant estime en effet que le comité spécial mis en place risque de ne pas être efficace à long terme puisqu'il mobilise d'importantes ressources.

« La nécessité d'être prêt à tout et d'avoir à réagir à très court terme requiert un niveau d'alerte qui est difficile à maintenir à moyen terme », a-t-il écrit dans son rapport.

L'opposition reste néanmoins sur sa faim quant à la contribution de Michel Dorais. « Sa seule réalisation tangible aura été de suggérer une nouvelle structure pour pérenniser le gaspillage de fonds publics. Contrairement à Toronto, Montréal a très peu de pouvoirs en matière d'immigration ; ce bureau sera assurément une coquille vide », a déploré la conseillère Laurence Lavigne Lalonde.

Peu de détails ont été rendus publics jusqu'à présent sur la forme que prendra le Bureau d'intégration des nouveaux arrivants, si ce n'est qu'il est inspiré du Toronto Newcomer Office, dont le travail est de coordonner les services offerts aux nouveaux arrivants dans la métropole canadienne. Son pendant montréalais devrait compter au « maximum » une dizaine de personnes et ne sera pas destiné exclusivement aux réfugiés syriens, mais bien à tous les nouveaux arrivants.

Montréal toujours dans le noir après deux mois

Deux mois après le début de l'opération d'accueil des 25 000 réfugiés syriens, Montréal dit être toujours dans le noir quant au déroulement précis des activités. « Il est plutôt inusité qu'après deux mois nous devions toujours opérer sur la base d'hypothèses et nous ajuster sur une base quotidienne », note la Ville dans son premier bilan. Plusieurs causes expliquent ces difficultés, notamment le fait que les cibles du gouvernement fédéral ont changé au fil du temps pour retarder le calendrier. La métropole admet même ignorer où s'établissent les réfugiés parrainés par le privé, soit l'essentiel de ceux arrivés jusqu'à présent.