L'ancien président du syndicat des cols bleus de Montréal Jean Lapierre est sorti de sa retraite, hier, pour livrer un discours enflammé aux milliers de travailleurs manuels de la Ville réunis en assemblée générale extraordinaire. Devant une salle gonflée à bloc, il a fait un appel au retour des «bonnes vieilles méthodes».

«Ce qu'on a obtenu en 64, n'en déplaise [au président du comité exécutif de la Ville] Pierre Desrochers, ça s'est toujours fait par des grèves illégales», a-t-il lancé à une salle survoltée.

Hier matin, quelques milliers de cols bleus ont participé à une assemblée au Palais des congrès. Ceux qui s'y sont rendus pendant leurs heures de travail étaient en arrêt illégal, puisque la convention collective des cols bleus est en vigueur jusqu'en 2017. Tout porte à croire qu'ils étaient nombreux, puisque les ouvriers ont été transportés à bord de plusieurs dizaines d'autobus scolaires de leur lieu de travail jusqu'au Palais des congrès.

La veille, une décision rendue d'urgence par la Commission des relations de travail (CRT) les sommait de rentrer travailler. «Aujourd'hui, on fait un pas osé que personne ne pensait qu'on allait faire. On n'a pas attendu gentiment qu'ils nous en passent une dans les dents», a déclaré au micro Jean Lapierre, qui a été président de 1985 à 2003. «Félicitations à notre présidente qui s'est tenue debout», a-t-il ajouté.

Si «nécessaire», les cols bleus devraient perturber les activités de la Ville de Montréal jusqu'au 375e anniversaire de la ville, a-t-il plaidé.

Lorsqu'elle s'est présentée aux élections pour devenir présidente du syndicat des cols bleus, Chantal Racette avait fait parvenir une lettre à ses membres pour leur indiquer qu'elle prônait le retour «à un rapport de force comme à l'époque de Jean Lapierre».

Questionné sur le rôle de Jean Lapierre lors de l'assemblée d'hier, le porte-parole du syndicat des cols bleus, André Lepage, a indiqué qu'il était retraité.

Nouvelle convention en 2016

Les cols bleus de Montréal souhaitent retourner en négociations avec la Ville de Montréal afin de signer une nouvelle convention collective en 2016. Une ébauche des demandes syndicales a été présentée aux membres hier. Le syndicat veut notamment hausser le nombre de permanences de 4000 à 4800. Ils veulent aussi de meilleures mesures de conciliation travail-famille et une assurance invalidité pour tous les travailleurs.

Le syndicat des cols bleus regroupés de Montréal estime que la loi sur les régimes de retraite (projet de loi 15) a éliminé le pouvoir de négociation en ce qui a trait aux régimes de retraite.

«Au lieu de s'attaquer à la collusion et à la corruption qui se poursuivent dans des activités telles que le déneigement ou la collecte des déchets, on s'attaque aux femmes et aux hommes qui livrent les services publics. L'ensemble des contribuables devrait être inquiet. Le maire Denis Coderre veut privatiser la Ville à grande échelle. Il veut tout sous-traiter. Pourtant, il est reconnu qu'il faut miser sur l'expertise interne pour lutter contre la corruption», a déclaré la présidente des cols bleus, Chantal Racette.

Coderre réagit

Le maire Denis Coderre a confirmé que les cols bleus avaient répondu en grand nombre à l'appel de leur syndicat. Les employés manuels de la Ville étaient peu nombreux avant 10h. «On ne revivra pas les années d'intimidation, a-t-il déclaré lors d'une mêlée de presse à l'hôtel de ville. De toute façon, je ne carbure pas à ça. Ils peuvent s'essayer, mais ça ne marchera pas. On est capables de se parler, mais les gros bras et les statues de bronze, c'est assez.»

Moyens de pression musclés

Octobre 1991

Deux cols bleus sont accusés d'avoir mis le feu à un enclos à rebuts et à un incinérateur municipal du Jardin botanique. Selon les archives de La Presse, de nombreux méfaits sont recensés durant ce mois: le système électronique de pesée des camions au dépotoir de l'ancienne carrière Miron est saboté; une rétrocaveuse est repêchée dans le fleuve; des portes du pavillon du Québec sont défoncées à coups de hache.

Septembre 1993

Plusieurs dizaines de cols bleus forcent les portes de l'hôtel de ville. Le président du syndicat, Jean Lapierre, sera condamné pour participation à une émeute. En 1999, Jean Lapierre purgera 29 jours de prison pour cette affaire.

Septembre 1994

Des cols bleus épandent des déchets dans les rues de la ville et sur le mont Royal. Vingt-quatre cols bleus, dont le président Jean Lapierre, seront accusés d'outrage au tribunal.

Avril 1996

Six cols bleus sont reconnus coupables d'avoir séquestré un contremaître de la Ville de Montréal qui venait de congédier un des leurs en 1993.

2004

Une quarantaine de cols bleus de l'arrondissement de Ville-Marie font une grève du zèle et travaillent lentement au lendemain d'une averse de pluie verglaçante. Dans les jours qui suivent, une cinquantaine de piétons sont transportés à l'hôpital après avoir glissé sur les trottoirs glacés.