Pour les automobilistes, les travaux d'entretien du pont Champlain représentent d'abord et avant tout un casse-tête. Mais prolonger la vie d'un pont détérioré aussi fréquenté que le pont Champlain constitue un défi qui a forcé les ingénieurs à faire preuve d'ingéniosité et à développer une nouvelle expertise.

À l'occasion du dernier blitz de travaux de l'année sur les poutres de béton du pont Champlain, La Presse a pu visiter les coulisses du chantier qui entraîne, ce week-end, la fermeture complète du pont en direction de Montréal jusqu'à 5 h, demain matin.

Il est près de 7 h, en ce samedi matin, lorsque la vingtaine de travailleurs s'affairent sur le pont. Le grutier jette un dernier coup d'oeil à l'anémomètre qui indique que les vents ne dépassent pas 25 km/h. L'opération peut suivre son cours.

Un premier treillis en acier, pesant 57,4 tonnes et mesurant 75 mètres de long sur 4 mètres de haut, est soulevé à l'aide de deux grues installées sur le tablier du pont. La structure est ensuite descendue sous le pont et installée en dessous des poutres de béton qu'ils viennent renforcer. En tout, quatre treillis doivent être installés dans la journée.

Ces treillis sont supportés par les chevêtres, de sorte que la charge du poids est répartie entre la poutre et le treillis. Si la poutre se fissure, le treillis va alors supporter toute la charge.

En raison du temps clément, l'installation d'un deuxième treillis a débuté à 8 h. « C'est la première fois que nous en installons deux en même temps », souligne François Demers, directeur principal du projet du pont Champlain et du nouveau pont pour le Saint-Laurent. Vers midi, l'installation des deux treillis était terminée.

Lorsque le programme de renforcement arrivera à son terme, d'ici la fin de l'année 2017, l'ensemble des 100 poutres de rive (les poutres situées aux extrémités des chevêtres) aura été renforcé par autant de treillis.

Même si le pont est en piteux état, M. Demers assure que les piles (la structure de béton qui émerge de l'eau et sur laquelle sont installés les chevêtres et les poutres) sont suffisamment solides pour supporter les 100 treillis de plus de 57 tonnes chacun.

« On parle de mesures palliatives pour prolonger la vie utile du pont d'ici la fin de la construction du nouveau pont en 2018 », précise toutefois M. Demers.

En 2015, 31 treillis ont été installés, en comptant les quatre du dernier blitz. En 2015, ces travaux d'entretien auront coûté 127 millions.

Un pont sous haute surveillance

Afin d'assurer la sécurité du pont, les 100 poutres de rive sont munies de capteurs reliés à un système d'acquisition de données dont la mise sur pied vient tout juste de s'achever. « Ça nous permet d'avoir des lectures en direct et de voir l'état des poutres en temps réel », explique M. Demers.

On sait aujourd'hui que l'ensemble des poutres de rive est dans un état d'« usure avancée », reconnaît M. Demers.

« Dans nos poutres de rive, nos câbles de précontrainte ont été sectionnés avec le temps en raison de la corrosion et de l'infiltration des eaux. Si un câble de plus se sectionnait, on aurait aussitôt une alerte qui nous serait envoyée, ce qui était impossible avant d'avoir ce système », ajoute-t-il.

Maintenir le pont Champlain en vie est un véritable tour de force, note M. Demers. « On commence à donner des conférences sur l'entretien de structure en fin de vie utile. Des treillis métalliques comme ça, il n'y en a nulle part ailleurs, c'est assez unique. On est donc en train de se développer une expertise. »

Il s'agit là sans doute de l'un des rares chapitres positifs dans le feuilleton de ce pont dont la conception et la construction ont été vite faites, mal faites, au plus bas prix, ainsi que l'a démontré un rapport de la firme de génie Buckland & Taylor en 2013.