Les commerçants de la rue Rachel sont à bout. Exaspérés par trois ans de travaux et les difficultés de stationnement, la majorité d'entre eux ont symboliquement fixé ce matin une pancarte «à vendre» sur leur devanture.

La campagne de protestation initiée par Giorgio Sodano de la Maison des pâtes fraîches vise à dénoncer l'importante baisse de clientèle subie par les commerçants au cours des dernières années.

«On a atteint un point de rupture, plusieurs commerces sont sur le point de mourir», a-t-il déclaré entre les rayons de son épicerie fine qui a ouvert ses portes il y a 23 ans. Quelle est la baisse de son chiffre d'affaires ? «C'est trop élevé pour l'écrire», soupire-t-il.

M. Sodano en a surtout contre le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, pour les changements des sens uniques dans les rues du quartier et sa politique du stationnement qui fait fuir les clients. «Sur notre rue transversale Saint-André, les heures destinées aux détenteurs des vignettes de stationnement sont passées de 17 h 00 à 23 h 00 à 9 h 00 à 23 h 00. Les gens en voiture, qui représentaient une grande part de notre chiffre d'affaires, ne peuvent plus s'arrêter comme avant. En ce moment, je dois emprunter pour continuer à vivre.»

Des chantiers depuis 2012

L'ajout d'un terre-plein pour sécuriser la portion nord de la piste cyclable en 2012 a provoqué le retrait d'une cinquantaine d'espaces de stationnement entre les rues Esplanade et du parc Lafontaine. Ces travaux ont été réalisés par la Ville de Montréal et non de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

Depuis quelques mois, la rue est en chantier pour permettre l'ajout de saillies de trottoir aux intersections. Ces travaux, qui relèvent aussi de la ville centre, provoqueront la disparition de 15 places supplémentaires. Entre les deux chantiers, des travaux de mise à niveau des infrastructures souterraines ont engendré l'excavation de la rue.

«Les travaux des deux derniers mois ont fait chuter mon chiffre d'affaires de 50%», affirme Jean-Mathieu Vincent, propriétaire d'une boutique de vêtements pour hommes. «C'est plate quand tes clients te disent qu'ils aiment ton service, tes produits, ta boutique, mais que la seule raison pour laquelle ils ne viennent plus c'est qu'ils sont incapables d'avoir accès au quartier parce que c'est bloqué partout. À chaque fois qu'il y a des travaux, on essaye de se relever, mais on est rendus à bout de souffle», explique le jeune entrepreneur.

Les élus du Plateau-Mont-Royal promettent de rencontrer individuellement tous les commerçants la semaine prochaine pour écouter leurs doléances.

«À l'arrondissement, on a travaillé fort en 2012 pour relocaliser tous les espaces de stationnement à l'usage du commerce, donc les espaces tarifés, sur les rues transversales», s'est défendue Christine Gosselin, conseillère d'arrondissement dans le district Jeanne-Mance.

À l'époque, dit-elle, 58 espaces de parcomètres ont disparu sur Rachel, mais 96 espaces tarifés ont été créés pour compenser sur les rues transversales «Avec les travaux qui sont en cours, 15 places seront supprimées, mais au final, on se retrouve quand même avec 23 places tarifées de plus qu'avant », précise-t-elle.

Mme Gosselin propose que l'administration Coderre baisse les taxes foncières des commerciales lors que leurs artères sont en chantier.

«En arrondissement, notre pouvoir de taxation ne représente que 5% de la facture, mais nous sommes prêts à le concéder pour parer aux conséquences négatives des chantiers de construction, même ceux qui sont planifiés et gérés par la Ville centre. Nous sommes en discussion avec le maire Coderre à ce sujet», a-t-elle expliqué.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE