La nouvelle gouvernance des transports en commun que souhaite implanter le ministre des Transports du Québec, Robert Poëti, doit s'accompagner d'un nouveau cadre financier plus généreux afin de permettre la mise en place de nouveaux services d'autobus, de train ou de métro dans des villes de plus en plus étouffées par la congestion.

Alors qu'on appréhende une rentrée d'automne difficile en raison des centaines de chantiers qui occupent les routes de la région métropolitaine, l'Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec, TRANSIT, estime que l'augmentation des services devrait être « la vraie priorité » du ministre des Transports, plutôt qu'un changement des structures administratives.

La première politique québécoise des transports collectifs a pris fin en 2011, rappelle le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard, un des porte-parole de TRANSIT. Depuis, quatre ministres des Transports ont promis de revoir le financement des transports collectifs au Québec, et quatre rentrées d'automne se sont succédé sans qu'on propose un nouveau plan de financement à long terme.

« On sent une certaine morosité dans les transports collectifs, dit Christian Savard. La seule chose dont on entend parler, c'est de la gouvernance. » 

« Une nouvelle gouvernance sans argent frais, ça peut faire disparaître quelques irritants, mais ça ne fera pas de miracles si on n'a pas de moyens. »

François Pépin, président du groupe de défense des usagers des transports collectifs Transport 2000 Québec, estime même que s'il était un élu de la Communauté métropolitaine de Montréal, il serait « inquiet du projet du ministre Poëti d'y transférer la planification des transports collectifs, sans avoir les moyens financiers pour atteindre les objectifs qu'ils vont se fixer ».

Des preuves à faire

Le ministre des Transports, Robert Poëti, n'est pas d'accord. Dans une entrevue à La Presse, il a d'ailleurs répété le message qu'il avait adressé aux dirigeants des plus importantes sociétés de transports en commun du Québec en octobre 2014 : avant de songer à une augmentation des sommes allouées par Québec, les sociétés de transport devront d'abord démontrer qu'elles peuvent faire mieux avec les budgets dont elles disposent déjà.

« Ce n'est pas vrai qu'on ne fait rien pour les transports en commun, se défend-il. Pour les 10 prochaines années, on prévoit y investir 7,2 milliards. Sauf que présentement, on a des projets qui reçoivent du financement, mais qui ne se réalisent pas. Le taux de réalisation des projets, dans les transports en commun, est d'environ 60 %. C'est inacceptable que chaque année, 40 % des budgets réservés retournent au fonds consolidé parce que l'argent qui était disponible n'a pas été dépensé. »

Sa réforme de la gouvernance, précise-t-il, « va modifier la loi de manière à ce que les règles d'utilisation des fonds soient plus souples. Par exemple, si un projet est interrompu pour une raison ou pour une autre, les sommes prévues pour ce projet pourront être utilisées sur un autre projet. » 

« La réforme de la gouvernance va régler des irritants. En retour, je veux voir des résultats. »

Le ministre estime par ailleurs que malgré l'absence d'un cadre financier, plusieurs grands projets de transports collectifs progressent tranquillement, dans l'ombre, d'étude en étude. D'ici la fin de 2015, l'Agence métropolitaine de transport (AMT) déposera à son cabinet un dossier d'affaires pour le prolongement de la ligne bleue (numéro 5) du métro jusque dans l'arrondissement d'Anjou.

La Caisse de dépôt et placement du Québec a pour sa part entrepris des études sur le projet d'implantation d'un train électrique sur le nouveau pont Champlain et sur un projet de liaison ferroviaire entre le centre-ville et l'ouest de l'île de Montréal, en passant par l'aéroport de Dorval. Les investissements de la Caisse dans ces deux grands projets pourraient s'élever à 5 milliards, rappelle M. Poëti.

Des besoins de 12,4 milliards

Aucun de ces projets n'est toutefois assuré de se réaliser. Le ministre Poëti refuse de s'engager à donner le feu vert au prolongement de la ligne bleue du métro avant d'avoir vu le dossier d'affaires de l'AMT. Quant à la Caisse, ses études sont encore en cours et personne ne peut prévoir la nature des propositions qu'elle présentera au gouvernement du Québec ni la valeur de la participation qui pourrait lui être demandée pour financer l'exploitation de ces nouveaux services.

Selon les données de l'Association du transport urbain du Québec, qui regroupe les neuf sociétés de transports publics de la province, les besoins en investissements s'élèvent à 12,4 milliards d'ici 2020, dont 5,4 milliards pour assurer l'entretien des infrastructures actuelles et le renouvellement des parcs d'autobus, de voitures de train ou de métro, et une somme de 7 milliards, jugée « souhaitable et réaliste », pour mettre en place de nouveaux services.

Le Plan québécois des infrastructures, qui prévoit des investissements totaux de 7,2 milliards d'ici 2025, dont près de la moitié sont déjà engagés, ne couvrirait actuellement qu'une partie des besoins ciblés pour maintenir les réseaux actuels de transport en bon état de fonctionnement.