Devrait-on installer des caméras de sécurité dans les principaux parcs de Montréal? Une entreprise de sécurité veut convaincre la métropole de miser sur la vidéosurveillance pour réduire la criminalité dans ses 25 plus grands espaces verts.

«Le sujet est tabou, mais il y a des actes d'agression, d'intimidation dans les parcs. Plusieurs familles n'ont pas de tranquillité d'esprit», affirme Paulha Sin, de la firme de consultation Succèstel. Elle s'est récemment inscrite au Registre des lobbyistes du Québec après avoir entrepris des démarches auprès de la Ville de Montréal au nom d'une firme de sécurité montréalaise, Protectia Sécurité.

Son projet propose l'installation de cinq à dix caméras dans chacun des grands parcs, en fonction de la taille de l'espace vert à protéger. L'entreprise offre d'assurer la surveillance des caméras, mais serait prête à fournir les images directement à la Ville si celle-ci souhaite faire le suivi elle-même.

Paulha Sin dit avoir été inspirée par les commentaires qu'elle voyait sur les réseaux sociaux de gens rapportant des incidents dans les parcs de Montréal. Selon elle, l'installation de caméras pourrait «redonner aux familles un sentiment de sécurité».

«Le fait de mettre des caméras dans les parcs, c'est comme mettre un signe d'arrêt à une intersection: ça invite les gens à faire attention», soutient-elle.

Mme Sin propose de commencer par les 25 plus grands parcs, comme les parcs La Fontaine et du Mont-Royal, puisque c'est à ces endroits que l'on recense le plus de problèmes, dit-elle. Elle estime que Montréal pourrait ensuite étendre la mesure aux autres parcs de la métropole. Sécuriser tous les parcs pourrait toutefois s'avérer complexe, puisque la ville compte plus de 1000 parcs, soit 55 en moyenne par arrondissement.

Le Service de police de Montréal (SPVM) n'exclut pas l'idée d'étendre la vidéosurveillance dans la métropole, mais souligne que l'implantation des caméras doit faire l'objet d'une approbation de la Commission d'accès à l'information (CAI). «On s'est entendus sur des règles à respecter. Ça ne peut pas juste se faire comme ça. Juste mettre les caméras devant Berri avait pris trois ans», indique le commandant Ian Lafrenière.

Précédents à Montréal

Avant de se lancer dans un tel projet, la CAI invite d'ailleurs Montréal à faire une analyse rigoureuse de ses besoins.

Ses règles prévoient notamment que la vidéosurveillance doit être utilisée comme moyen de dernier recours, lorsque les autres méthodes pour contrer des problématiques ont échoué. Les caméras devraient être utilisées pour régler un «problème récurrent et circonscrit», et non de manière générale.

«Ça ne peut pas être une partie de pêche, il faut que ça cible un problème particulier», souligne Ian Lafrenière.

Montréal mise déjà sur la vidéosurveillance dans certains secteurs. Une vingtaine de caméras ont en effet été installées le long du boulevard Saint-Laurent en raison des problèmes de violence vécus à cet endroit.

Le projet de vidéosurveillance Robot-Cam, mis de l'avant en 2004 dans le Quartier latin pour réduire le problème de trafic de drogue, avait pour sa part soulevé une importante polémique. Les quatre caméras installées dans la rue Saint-Denis, aux abords de la station de métro Berri-UQAM, avaient entraîné une diminution du tiers des crimes dans l'année qui a suivi, selon un bilan du Service de police de la Ville de Montréal. On avait toutefois observé un déplacement de la revente dans les rues voisines, où les caméras n'étaient pas présentes.

Le sociologue Christian Boudreau, qui s'intéresse à la question de la vidéosurveillance, indique que les caméras ne règlent pas les problèmes de criminalité, mais servent principalement à élucider les crimes, après que ceux-ci ont été perpétrés. «Dans les villes où on a installé des caméras au centre-ville, on voit que la prostitution et la petite criminalité continuent, mais ça sécurise les gens», note le professeur de l'École nationale d'administration publique.

Rare dans les parcs

Si les villes sont nombreuses à multiplier les caméras dans leurs rues, la vidéosurveillance dans les parcs se fait plus rare - ou du moins, plus discrète. La municipalité d'Elk Grove, en Californie, est l'une des rares à avoir choisi de miser ouvertement sur cette méthode pour contrer la criminalité.

Cette ville de 160 000 habitants affiche pourtant un taux de criminalité largement inférieur à la moyenne en Californie. «Même si la criminalité est relativement faible dans nos parcs, comparativement à ailleurs en ville, nous voulons tout de même être proactifs. Ces caméras sont très visibles, et nous souhaitons qu'elles dissuadent des gens de perpétrer des crimes», dit Christopher Trim, de l'Elk Grove Police Department.