Les Jeux olympiques pourraient revenir à Montréal beaucoup plus rapidement que prévu. Mais plutôt que des athlètes, ce sont des artistes du monde entier qui pourraient fouler le sol de la métropole en 2018 pour y décrocher une médaille.

Abandonné depuis 1948, le volet artistique des Jeux olympiques s'apprête en effet à revivre. L'International ArtGames Committee (IAC) dit travailler avec le Comité olympique international (CIO) pour recréer une telle compétition en marge des Jeux.

Peu de gens s'en souviennent, mais de 1912 à 1948, les Jeux comprenaient une demi-douzaine de compétitions artistiques, conformément à la volonté du père des Jeux modernes, Pierre de Coubertin. 

Tout comme les athlètes, des sculpteurs, des poètes et des architectes concurrençaient dans leur discipline dans le but de monter sur le podium et de décrocher une médaille d'or, d'argent ou de bronze.

Pour éviter toute concurrence avec le volet sportif - tout en bénéficiant de l'effet de locomotive -, l'événement artistique se déroulerait durant les 10 jours qui séparent la fin des Jeux olympiques et le début des Jeux paralympiques. 

On prévoit que les Jeux des arts auront lieu tous les deux ans, mais ne se dérouleront pas dans la même ville hôtesse que les Jeux olympiques, pour éviter d'alourdir l'organisation d'un événement jugé déjà complexe et coûteux.

«L'IAC considère qu'il n'est pas souhaitable que les Jeux des arts se déroulent dans la même ville que les Jeux olympiques et paralympiques, la ville chargée de l'organisation des jeux sportifs étant jugée suffisamment occupée avec ces deux mandats», s'est fait expliquer la Ville de Montréal.

Importantes retombées escomptées

Les Jeux des arts espèrent générer autant d'attention planétaire que les Jeux olympiques, une ambition qui fait saliver Montréal. Denis Coderre a déposé auprès de l'organisation une lettre d'intérêt le 24 mars dernier pour organiser les premiers Jeux des arts en 2018. 

Pour favoriser la candidature de sa ville, le maire de la métropole a souligné que Montréal était l'une des rares villes à avoir organisé tant une Exposition universelle que des Jeux olympiques, respectivement en 1967 et en 1976.

Montréal estime que cet événement pourrait entraîner d'importantes retombées puisque la compétition comporte également une phase d'auditions se déroulant six mois avant les Jeux pour permettre à de nombreux participants de se faire valoir. 

«Ces auditions seraient en mesure d'amener vers la ville hôtesse encore plus de participants que les Jeux eux-mêmes. Au plan touristique, l'enjeu est considérable», dit un document de l'administration Coderre. 

De plus, les auditions auraient lieu en août ou septembre 2017, soit en pleines festivités du 375e de la métropole québécoise.

D'autres villes en lice

Cinq villes sont aujourd'hui sur les rangs pour accueillir les Jeux des arts de 2018. Outre Montréal, les villes canadiennes de Toronto, Windsor et Markham ainsi que Detroit, aux États-Unis, ont manifesté leur intérêt. 

La métropole québécoise estime toutefois être en bonne position de décrocher l'événement et dit qu'elle cherche déjà à conclure une entente. L'administration Coderre compte soumettre cet accord pour approbation aux élus montréalais en août prochain.

Afin d'optimiser les retombées, Montréal négocie pour que les auditions des éditions subséquentes des Jeux des arts aient toujours lieu dans la métropole, et pas seulement celles pour les Jeux olympiques de 2018.

En accueillant les premiers Jeux des arts, l'International ArtGames Committee établirait ses bureaux dans la métropole québécoise. 

L'organisation prévoit des revenus de 180 millions jusqu'en 2018, principalement de sources privées, comme les droits télévisés et la vente de produits dérivés. Montréal serait prête pour sa part à investir jusqu'à 6,5 millions d'ici 2018, soit une contribution financière de 500 000$ et 6 millions en biens et services.

Disciplines artistiques

Les participants aux Jeux des arts de 2018 s'affronteront dans cinq disciplines, soit la danse, les arts visuels, la musique, la littérature et les arts médiatiques. Ces catégories diffèrent légèrement des compétitions de 1948, alors que les artistes s'affrontaient en architecture, en urbanisme, en sculpture, en arts graphiques (peinture), en littérature et en musique. Des compétitions d'alpinisme et d'aéronautique ont déjà été présentées dans le volet artistique des Jeux.

Importants problèmes

L'organisation de compétitions artistiques a fini par soulever d'importants problèmes et suscitait peu d'engouement à l'époque. Départager un gagnant dans une course sur 100 mètres est relativement simple, peu importe la nationalité des concurrents et des juges. Mais comment comparer les mérites de poèmes finnois à ceux d'un roman français quand les juges ne lisent que l'allemand et le danois, comme ce fut le cas à Londres en 1948? Dans leur bilan des Jeux, les responsables britanniques recommandaient par exemple que les oeuvres soumises en littérature ne soient rédigées qu'en français ou en anglais. Mais plutôt que limiter ainsi la participation, le CIO a finalement fait disparaître le volet artistique de ses compétitions.

Médaillés canadiens

Deux Canadiens ont déjà remporté des médailles olympiques en arts. Robert Tait McKenzie a remporté le bronze en 1932, lors des Jeux de Los Angeles, pour une de ses sculptures, Le bouclier des athlètes. Paradoxalement, McKenzie avait été dans sa jeunesse un athlète accompli durant ses études à McGill, mais c'est seulement en tant qu'artiste qu'il a obtenu une invitation à la compétition des compétitions. Le compositeur John Jacob Weinzweig a pour sa part remporté une médaille d'argent en musique, aux Jeux de Londres de 1948.

Du sport à l'art

Deux participants aux Jeux ont réussi l'exploit de remporter des médailles tant dans le volet sportif que dans le volet artistique. Le premier est l'Américain Walter Winans, qui a décroché l'or en tir aux Jeux de 1908 pour ensuite obtenir l'argent pour une sculpture en 1912. Le deuxième à avoir réussi cet exploit est le Hongrois Alfréd Hajós, qui avait remporté l'or en natation aux tout premiers Jeux olympiques modernes, à Athènes en 1896. Vingt-huit ans plus tard, il montait à nouveau sur le podium, cette fois avec une médaille d'argent en architecture accrochée au cou, pour les plans d'un stade qu'il avait conçu.