Des représentants de la communauté musulmane d'Anjou ont récemment montré la porte à l'imam controversé Hamza Chaoui en raison de ses propos à teneur fondamentaliste, révèle la ministre de la Sécurité publique et députée d'Anjou-Louis-Riel, Lise Thériault. Mais elle reconnaît que le gouvernement n'a pas le pouvoir de l'empêcher d'ouvrir un centre communautaire islamique destiné aux jeunes, dans l'est de Montréal.

Dans une entrevue accordée à La Presse, hier, Lise Thériault a rapporté des échanges qu'elle avait eus avec des représentants de la communauté musulmane de sa circonscription. «Au cours des derniers mois», Hamza Chaoui a pris part à un «rassemblement» auquel assistaient des musulmans.

«Il a rencontré les gens de la communauté, et il a fait un prêche», a-t-elle raconté. «Après l'avoir entendu, les gens de la communauté musulmane à Anjou lui ont signifié clairement que ce n'était pas leur façon de voir l'islam, que ce n'était pas leur façon d'appliquer leur religion et que ce n'était pas compatible avec les valeurs du Québec. Ils lui ont demandé de ne jamais revenir.» Elle a ajouté que ces représentants considèrent que Hamza Chaoui est «vraiment radical, vraiment à l'extrême». «Ils trouvaient que ses propos étaient inacceptables et ils ne les approuvaient pas.»

À sa connaissance, l'imam n'aurait pas parlé de son projet de centre communautaire. Mais il a «probablement voulu tester» son discours, sans succès. «Je pense que monsieur a compris que sur le territoire d'Anjou, les gens de la communauté ne voulaient pas» de lui. Elle observe que le local loué par M. Chaoui, où il veut implanter son centre communautaire, se trouve «à deux coins de rue» de sa circonscription.

Selon elle, «ce n'est pas normal» que Hamza Chaoui, compte tenu de ses propos «inacceptables» sur la démocratie, les femmes et les homosexuels, puisse ouvrir un centre communautaire. Or le gouvernement ne peut l'empêcher d'aller de l'avant, à moins de circonstances bien particulières. «Les seuls outils qu'on a, c'est de l'empêcher de faire la prière dans un lieu qui n'est pas destiné à faire la prière. [...] On ne peut pas se servir d'un centre communautaire pour transformer ça en mosquée», a-t-elle expliqué. M. Chaoui a obtenu un permis de transformation de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve pour réaménager un local en centre communautaire, et non en lieu de culte. Une première version d'un message de Hamza Chaoui sur Facebook indiquait que le Centre Ashabeb ferait cinq séances de prière quotidiennes et la grande prière du vendredi. Or, ces assertions ont été supprimées par la suite.

L'enjeu entourant la réglementation et la vocation du centre relève de la Ville de Montréal, a indiqué Lise Thériault. Hamza Chaoui doit également obtenir un certificat d'occupation, formalité qui, en règle générale, consiste uniquement à vérifier si le site obéit aux règlements de zonage. La Ville examine le dossier notamment sous l'angle de la sécurité et fera le point aujourd'hui.

Loi pour contrer le radicalisme

Sinon, le gouvernement est dépourvu de moyens pour intervenir, affirme Lise Thériault. À moins que l'imam ne verse dans les propos haineux, chose interdite en vertu du Code criminel.

«Si quelqu'un tenait des propos comme [ceux de l'imam Chaoui] dans une école, c'est évident qu'on le sortirait», a souligné la ministre. Elle croit donc qu'«il va falloir qu'on se donne les outils» pour empêcher des individus comme Hamza Chaoui d'ouvrir un centre communautaire, d'avoir une tribune. «Ce sont de nouvelles problématiques. S'il faut intervenir et créer des lois plus musclées pour empêcher ça, mettre des conditions pour pouvoir être en contact ou oeuvrer dans un domaine, on le fera.»

«Ce nombre infime d'individus là qui pourraient faire de l'endoctrinement, faire de la propagande haineuse, essayer de trouver un élément déclencheur pour alimenter le radicalisme, c'est ça qu'il faut cibler. Et ça, ce n'est pas évident», a-t-elle ajouté. Rappelons que le gouvernement prépare une loi et un plan d'action pour contrer le radicalisme. La ministre considère que «c'est à tout le monde, particulièrement les gens à qui [Hamza Chaoui] pourrait prêcher, de réfuter ses propos et de dire qu'on n'en veut pas».

Jeudi, la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil, a qualifié de «dangereux» les propos de M. Chaoui. Elle a ajouté qu'elle ne souhaitait pas l'ouverture du centre. Mais hier, subitement très prudente et mal à l'aise, elle s'est contentée de dire que le gouvernement étudie ses options en vue d'intervenir dans le dossier, sans préciser lesquelles. Sa collègue Lise Thériault a confirmé que celles-ci sont à peu près inexistantes.

À la limite de la liberté

Le premier ministre Philippe Couillard s'est exprimé pour la première fois sur le sujet hier, affirmant que les propos de l'imam Chaoui se situent à «la limite» de ce qui est protégé par la liberté d'expression. «Toute liberté dans une société doit être encadrée par des limites. Il y a une liberté de pratiquer notre religion - même de façon rigoureuse, si on le veut -, et il y a une liberté de parole jusqu'à un certain point», a-t-il dit, de passage à Ottawa. «Et dans le cas de la pratique rigoureuse de la religion, la limite, c'est le respect de nos lois, le respect de nos valeurs - notamment l'égalité des hommes et des femmes - et la sécurité de la population d'abord et avant tout.»