La ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil, ne veut pas du centre communautaire islamique qu'entend ouvrir l'imam Hamza Chaoui à Montréal. Cet imam tient selon elle des propos « dangereux ».

« Je ne voudrais pas dire à la ville quoi faire, mais je pense qu'ils doivent regarder cette question-là (au-delà) des questions d'architecture ou d'aménagement urbain. Il y a l'enjeu très profond des valeurs à véhiculer », a-t-elle plaidé lors d'une mêlée de presse jeudi. Elle dit avoir confiance en la Ville dans l'analyse du dossier.

« Évidemment, mon souhait c'est qu'on n'ait pas de (centre communautaire) où on peut véhiculer ces concepts », a affirmé la ministre. Les propos de cet imam sont à ses yeux « totalement inacceptables dans une société démocratique, une société de droit où on prône l'égalité entre les hommes et les femmes ». « C'est dangereux dans le sens où ce qu'on véhicule, c'est ni plus ni moins l'oppression des femmes. C'est une déformation de nos valeurs », a-t-elle ajouté.

Est-ce que, pour cette raison, le gouvernement demande à la Ville d'empêcher l'ouverture du centre ? « Je pense qu'ils doivent regarder cela attentivement. Je vais suivre les discussions », a-t-elle répondu.

« Par prudence », la ministre veut obtenir plus de renseignements avant de déterminer s'il faudrait aller jusqu'à empêcher cet imam de prêcher. « On pourra peut-être regarder alors que j'aurai plus d'infos. (L'objectif), c'est comment faire en sorte qu'on ne véhicule pas des messages de ce genre qui déforment complètement nos valeurs », a-t-elle dit.

Comme La Presse l'a révélé jeudi, Hamza Chaoui prêche que l'islam et la démocratie sont « complètement » incompatibles parce qu'un homosexuel ou un athée peut devenir député. Il considère que les femmes doivent avoir un tuteur, les hommes doivent porter la barbe et la musique doit être interdite. Il se prononce contre l'interdiction de conduire pour les femmes saoudiennes, ajoutant que la possibilité « d'entrer en contact physique avec les hommes » dans le transport en commun ou encore d'être seule dans un taxi avec un chauffeur de sexe masculin serait bien pire.

Le Centre Ashabeb, où cet imam entend enseigner à des jeunes, a annoncé son ouverture pour le début de février, dans l'est de Montréal. Le maire de l'arrondissement, Réal Ménard, a toutefois indiqué à La Presse que les fonctionnaires n'ont pas encore délivré un certificat d'occupation. Cette étape n'est pas gagnée selon lui. Il y a non seulement des règles urbanistiques qui sont en cause mais aussi « le cadre de la sécurité, de la comptabilité avec le milieu ». Il s'est dit conscient qu'il y a un « potentiel de polémique ».

Le maire Denis Coderre prévient que le dossier sera analysé en profondeur, y compris sous l'angle de la sécurité publique. Il veut éviter les « débordements ». « Pour moi, c'est important de savoir ce qui en est. On ne parle pas de mosquée ici, on parle de centre communautaire. Qu'est-ce que ça veut dire ? Et dans la foulée de toute la notion de vigilance, est-ce qu'il y a un propos radical qui peut amener un débordement ? Est-ce que ce n'est pas de mettre de l'huile sur le feu justement ? On va tout analyser ça, en étant tout à fait factuel », a-t-il expliqué, de passage à Québec jeudi.

Il a ajouté que l'analyse portera également sur les écrits publiés sur Facebook. Une première version d'un message de Hamza Chaoui explique que le Centre Ashabeb fera cinq séances de prière quotidiennes et la grande prière du vendredi. Ces mentions ont été supprimées par la suite. Demeurent les cercles de mémorisation du Coran, des ateliers d'échange, un séminaire religieux, un souper mensuel et des cours d'arabe. Sur sa page Facebook, l'imam a exprimé récemment son rejet total du système démocratique.

Denis Coderre a condamné la vision rigoriste de l'islam de l'imam Chaoui. « Je réfute ce qui a été dit par rapport à la démocratie, par rapport à sa position sur l'homosexualité, qu'on est tous des mécréants quand on est rendu en démocratie. (...) Moi je suis contre toute forme de radical, on ne peut défendre l'indéfendable ».

« C'est pour ça qu'il faut analyser ce qui a été dit, regarder ce qui est écrit sur Facebook. Dans un contexte d'une stratégie ou d'un agenda sur la vigilance, il faut regarder tout ça. Maintenant, est-ce qu'on a contrevenu à la liberté de conscience et à la liberté de religion ? Est-ce qu'on est foncièrement en désaccord et on peut condamner ces propos sans les empêcher ? Est-ce que ça amène à une radicalisation où on peut penser au pire ? Parce qu'on n'est pas à l'abri », a-t-il affirmé, rappelant les attentats à St-Jean-sur-Richelieu et au parlement d'Ottawa.

- Avec Philippe Teisceira-Lessard