Le ministère des Transports du Québec (MTQ) projette de « dévier » l'un des plus importants collecteurs d'eaux usées de la Ville de Montréal parce qu'il pourrait être endommagé par les travaux de construction réalisés 30 mètres au-dessus sur un des chantiers phares du projet Turcot.

Ce projet de déviation du collecteur Saint-Pierre, une conduite majeure qui fait trois mètres de diamètre et qui draine les eaux de pluie, est la dernière solution envisagée par le MTQ afin de dénouer l'impasse qui dure depuis un an et qui retarde la démolition du viaduc de la rue Saint-Jacques, au-dessus de l'autoroute Décarie, dans l'ouest de Montréal.

Le MTQ prévoit de remplacer ce viaduc, d'ici deux ans, par une nouvelle « structure emblématique », un pont à haubans avec un haut mât central, illuminé, reconnaissable à des kilomètres à la ronde. Mais il doit d'abord trouver un moyen de réaliser ces travaux sans compromettre l'intégrité du collecteur municipal, construit en 1930.

Après avoir « ausculté et arpenté cette structure dans tous les sens et de toutes les façons » depuis un an, le ministère des Transports du Québec (MTQ) « étudie la possibilité de le dévier vers le bas de la falaise Saint-Jacques et de l'enfouir sous le boulevard Pullman », a affirmé à La Presse le directeur du projet Turcot, Alain-Marc Dubé.

Pour réaliser une telle déviation, le MTQ devrait entreprendre dès l'hiver prochain des travaux d'excavation dans la rue Saint-Jacques - qui serait alors complètement fermée à la circulation pour les deux prochaines années - jusqu'à 30 mètres de profondeur, où se trouve le collecteur Saint-Pierre. Après avoir « dévié » la trajectoire actuelle du collecteur, qui longe la rue Saint-Jacques, l'infrastructure serait reconstruite sur plusieurs dizaines de mètres de longueur, jusqu'en dehors de la zone du projet Turcot, avant d'être rebranchée, plus loin, au collecteur d'origine.

Les études de conception des travaux sont en cours. Le coût et la durée des travaux ne sont pas encore connus, et la faisabilité même du projet reste à démontrer, reconnaît le directeur du projet Turcot.

De plus, le temps presse pour le MTQ, car ces travaux ne peuvent être réalisés qu'en saison sèche et sans pluie, c'est-à-dire en hiver. Et l'hiver arrive dans trois mois.

« Au printemps, en été, dès qu'il pleut, le collecteur se remplit et il est impossible d'y travailler. À la moindre probabilité de précipitations, on ne peut pas descendre », explique M. Dubé.

Si le projet n'est pas prêt cet hiver, les travaux de démolition du viaduc Saint-Jacques pourraient ainsi être reportés d'une année complète, jusqu'à l'hiver 2016.

Soulèvement des sols

Selon M. Dubé, le viaduc Saint-Jacques, construit en 1964, doit être démoli parce que l'une de ses piles, faite en forme de Y, « se trouve sur la trajectoire des voies de circulation de l'autoroute 15 » qui viendront se connecter au nouvel échanger Turcot, d'ici 2020. La pile en question a des assises qui descendent à 25 mètres de profondeur, soit à environ cinq mètres au-dessus du collecteur municipal Saint-Pierre.

« Dans un premier temps, explique M. Dubé, l'excavation des sols pour démolir le viaduc et le retrait de la structure actuelle qui compacte les sols vont faire en sorte que ceux-ci vont se soulever. On a estimé à entre 20 et 40 millimètres la valeur du soulèvement ou du "rebondissement" des sols, après la démolition du viaduc Saint-Jacques. »

Par la suite, la construction d'une nouvelle structure routière, le recompactage du sol et la masse des futures infrastructures sur le collecteur « pourraient créer des instabilités » sur un collecteur déjà fragilisé par le temps.

Une inspection vidéo, en 2012, a révélé des fissures dans la structure souterraine. Le projet de renforcer le collecteur de l'intérieur, en y ajoutant des barres d'armature en acier et en soufflant du béton sur ses parois, a été abandonné. L'épaisseur supplémentaire d'acier et de béton sur la voûte du collecteur réduirait sa capacité d'évacuer les eaux de pluie qui se déversent dans l'égout de la Ville.

Volet 1 du projet Turcot

Les travaux de la rue Saint-Jacques sont un des plus gros chantiers du volet 1 de la reconstruction de l'échangeur Turcot réalisés par le ministère des Transports du Québec en attendant l'attribution du contrat principal à un consortium industriel, qui sera désigné d'ici la fin de 2014.

Les travaux du volet 1 comprennent plusieurs ponts ferroviaires, de nouvelles rues et connexions sur le réseau municipal du sud-ouest de Montréal, et la démolition de plusieurs anciens bâtiments industriels dans l'emprise du nouvel échangeur.

Le coût de ces chantiers, en cours depuis 2011, est estimé à environ 500 millions sur un budget global estimé à 3,7 milliards pour l'ensemble du projet Turcot. Les contrats attribués dans le cadre du volet 1 s'élèvent à ce jour à 400 millions, affirme M. Dubé, et la valeur des travaux déjà terminés représente des investissements de 165 millions.

La démolition du viaduc Saint-Jacques et la construction du nouveau pont à haubans de la rue Saint-Jacques sont pour leur part estimées à 55 millions.

À l'origine, lors de l'annonce du chantier, en 2012, la fermeture de la rue Saint-Jacques et la démolition du viaduc du même nom devaient commencer à l'automne 2013. Le projet accuse ainsi un an de retard.

Moins d'amiante qu'anticipé

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a retiré à ce jour environ 8000 m3 de sols contaminés à l'amiante au chantier du futur boulevard Pullman, dans l'ancienne gare de triage Turcot, soit l'équivalent de 700 à 800 camions à benne de format standard. Si cela peut paraître beaucoup, « c'est beaucoup moins que ce qu'on avait anticipé », dit le directeur de projet Alain-Marc Dubé, rappelant les premières analyses de sols qui avaient entraîné la fermeture complète et immédiate de trois chantiers de l'échangeur, durant six semaines, à l'automne 2013. En octobre, des analyses de sols réalisées à la demande de la CSST avaient révélé la présence d'amiante un peu partout dans les sols de la gare de triage. Une nouvelle série de tests réalisés aux mêmes emplacements a ensuite affiché une réduction de 80 % du nombre d'échantillons contaminés au-delà de la norme acceptable. « Toutes les mesures à ce jour indiquent l'absence d'amiante en suspension dans l'air dans la gare Turcot et dans les zones respirables des travailleurs, soit véhicules, roulottes, vestiaires, etc., dit M. Dubé. On tient pour acquis que si les travailleurs ne sont pas exposés, les voisins du projet Turcot ne le sont pas non plus. »