Des élus montréalais mettent en doute la crédibilité de l'explosif rapport du vérificateur général sur la possible collusion dans le déneigement et les déchets après y avoir découvert ce qu'ils considèrent comme d'importantes erreurs de données.

Reconnaissant les écarts entre ses chiffres et ceux de la Ville, Jacques Bergeron assure toutefois qu'ils ne changent en rien la validité de ses conclusions.

«Je n'ai jamais vu une situation semblable, où nous avons des écarts aussi significatifs», déplore l'élu Alan DeSousa, président de la commission des finances de la métropole.

Plusieurs élus municipaux se sont réunis cet été pour analyser les recommandations du plus récent rapport annuel du vérificateur général de Montréal, déposé le 17 juin. Dans son document, Jacques Bergeron affirme qu'il a compilé l'ensemble des contrats de déneigement et de collecte des déchets des arrondissements et qu'il y a détecté de «nombreux indices de collusion». Le dossier, qui a fait grand bruit dans les médias, a immédiatement été transmis à l'Unité permanente anticorruption.

Rapidement, les élus affirment qu'ils ont constaté d'importantes erreurs dans les chiffres du vérificateur. Une révision des chiffres menée au cours de l'été a permis de constater que la valeur des contrats de déneigement était erronée pour 14 des 19 arrondissements.

Le rapport du VG indiquait par exemple que LaSalle a attribué, de 2005 à 2013, des contrats d'une valeur de 21 millions afin d'enlever la neige de ses rues. Après révision, il appert qu'il manquait près de 9 millions en contrats, soit un écart de 42%. La majorité des arrondissements ont vu leurs dépenses sous-évaluées, mais les données ont dû être revues à la baisse pour quatre d'entre eux.

En ce qui concerne les déchets, les écarts sont beaucoup plus faibles, mais les corrections touchent tout de même 7 des 19 arrondissements.

«Normalement, quand on regarde le rapport d'un vérificateur, on s'attend à des chiffres vérifiés. Je ne voudrais pas que [quelqu'un] prenne ces chiffres et dise qu'il y a un problème de collusion à Saint-Léonard quand c'est complètement faux», affirme le conseiller Dominic Perri.

«Avant d'avoir un dossier aussi sensationnaliste, qui fait les manchettes partout, on a l'obligation de s'assurer que les données sont exactes», ajoute Alan DeSousa, lui-même comptable de profession.

Lors d'une rencontre le 4 septembre, la commission des finances a demandé au vérificateur général de corriger son rapport. «Chaque document qu'il remet au conseil doit être le plus exact possible. On ne questionne pas ses conclusions, mais dans l'intérêt de la crédibilité de ses recommandations, il faut que le conseil ait l'information la plus précise possible», dit Alan DeSousa.

Le VG persiste et signe

Dans une lettre de trois pages envoyée récemment aux élus, Jacques Bergeron a toutefois refusé de déposer un nouveau rapport corrigé, estimant que les ajustements ne changent en rien ses conclusions.

«Je ne compte pas ajuster les tableaux présentés dans le rapport annuel, car ce serait un exercice que je juge futile et qui n'apporterait aucune valeur ajoutée», dit-il.

En entrevue à La Presse, M. Bergeron a défendu la validité de ses travaux. «Le rapport est toujours crédible parce qu'il n'y a pas de changement sur nos deux conclusions, soit qu'il y a une possibilité de collusion dans la neige et une probabilité dans les déchets.» Même en utilisant les nouveaux chiffres, il constate à peu de choses près la même concentration des contrats dans plusieurs arrondissements.

Son adjoint, Robert Duquette, précise que «les chiffres, c'était seulement pour donner une vision d'ensemble. Mais à proprement parler, les chiffres étaient secondaires». Pour eux, il est beaucoup plus révélateur de constater que, dans certains secteurs, un seul entrepreneur dépose des offres depuis neuf ans, que des soumissionnaires se désistent ou que des arrondissements rejettent sans explication l'offre la plus basse.

Pour expliquer ces écarts de chiffres, Jacques Bergeron indique que plusieurs arrondissements ont tardé à lui transmettre leurs données; il admet également avoir «découvert quelques erreurs de compilation» de la part de son bureau.

Ces explications ne convainquent pas Alan DeSousa, qui estime que le VG aurait dû attendre d'avoir toutes les données en main avant de publier son rapport. «Normalement, un vérificateur qui apporte des conclusions aussi importantes que de prétendre à la possibilité de collusion, c'est dans son intérêt de s'assurer que son rapport est le plus crédible possible. Quand vous avez des écarts de cette nature, c'est certain que des gens peuvent critiquer la crédibilité et le bien-fondé de son rapport.»