La Ville de Montréal plaidera demain et vendredi devant la Régie des alcools pour prolonger les heures d'ouverture d'une vingtaine de bars du centre-ville. Si la mesure doit notamment servir à diminuer les problèmes de violence à la sortie des bars, plusieurs études menées à l'étranger démontrent au contraire que la réduction de la période de vente d'alcool serait plus efficace.

Le maire Denis Coderre a annoncé en avril un projet-pilote pour permettre à certains établissements des rues Saint-Denis et Crescent de vendre de l'alcool jusqu'à 5h30 du matin. Limitée dans le temps, l'expérience se déroulera pendant quatre fins de semaine, à partir du 12 juin, si la métropole obtient le feu vert de la Régie des alcools. Cinq opposants ont demandé à être entendus durant les audiences prévues aujourd'hui et vendredi pour tenter de bloquer le projet.

Pour justifier son projet-pilote, Denis Coderre a notamment dit qu'il veut s'attaquer aux problèmes de violence à la fermeture des bars. En repoussant l'heure de fermeture, on espère ainsi étaler les sorties et diminuer les situations conflictuelles.

L'idée est loin d'être nouvelle, l'expérience ayant déjà été tentée par d'autres villes dans le monde. Une dizaine d'études scientifiques ont d'ailleurs été menées sur le sujet, et leurs conclusions indiquent que la théorie est parfois loin de la réalité.

Pour l'heure, les études réalisées sur la prolongation des heures d'ouverture sont contradictoires: au Royaume-Uni, les policiers rapportent une baisse du nombre d'arrestations, tandis que les hôpitaux disent constater une forte hausse des hospitalisations en raison des agressions liées à l'alcool.

Les études sur la réduction des heures de vente d'alcool sont toutefois plus concluantes: les villes qui ont opté pour cette solution ont toutes observé une baisse des agressions.

LONDRES, ROYAUME-UNI

Les bars anglais ont longtemps dû cesser de vendre de l'alcool à partir de 23h. De nombreux clients tentaient ainsi de consommer le plus de verres possible avant le dernier service, ce que les Anglais appelaient « beat the clock » ; cela menait à d'importants dérapages à la sortie des bars. Depuis novembre 2005, les débits d'alcool peuvent rester ouverts toute la nuit. Les études sur l'efficacité de la mesure sont contradictoires. Un groupe de chercheurs a constaté une diminution de 9% des homicides et de 5,4% des agressions rapportés par la police. Une autre étude a pourtant constaté une hausse de 130% des hospitalisations à la suite d'agressions liées à l'alcool.

NEWCASTLE, AUSTRALIE

Cette ville située à 150 km au nord de Sydney, qui n'imposait pas d'heure de fermeture aux bars de son centre-ville, a révisé sa réglementation en mars 2008. Depuis, les établissements doivent cesser de vendre de l'alcool à partir de 3h30. Une étude menée l'année suivante a constaté une réduction de 37%des agressions depuis.

REYKJAVIK, ISLANDE

La principale ville islandaise a lancé en 1999 un projet-pilote qui permet à ses bars, qui devaient auparavant fermer à 2h les fins de semaine, d'ouvrir toute la nuit. Les hôpitaux ont constaté une augmentation de 20% des admissions aux urgences les fins de semaine et on a observé une hausse de 34% des bagarres. Les policiers ont aussi rapporté une augmentation de 79% des arrestations pour conduite avec facultés affaiblies. Après deux ans, Reykjavik a fini par imposer à ses bars la fermeture à 5h30 les fins de semaine.

CE QU'EN DIT L'OMS

Dans un rapport de 2009, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) encourage les pays à réduire les heures de vente d'alcool, estimant que les études démontrent l'efficacité d'une telle mesure pour réduire la criminalité. «En général, des heures réduites de ventes ont été associées à une réduction de la violence», peut-on lire. Paradoxalement, l'OMS souligne que les études sont plus contradictoires quand vient le temps d'analyser l'effet de la prolongation des heures de vente d'alcool.