Aménager en surface un stationnement décrit comme en sous-sol était une solution «créative» pour réduire le coût de construction du CUSM et non une manoeuvre pour avantager SNC-Lavalin, assure l'urbaniste Marc Perreault.

Dans une longue entrevue accordée à La Presse, le vice-président de la firme IBI/DAA a réagi au témoignage de deux enquêteurs de la commission Charbonneau sur son rôle dans le projet de superhôpital anglophone. Ceux-ci ont notamment affirmé qu'il avait convaincu l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG) qu'un stationnement de huit étages bien visible de la rue pouvait être considéré comme en sous-sol.

«Je me sens à l'aise: j'ai fait une interprétation créative du règlement qui a permis non pas d'alimenter la fraude - je n'ai rien à voir là-dedans -, mais de consacrer davantage d'argent à un équipement pour offrir de meilleurs soins aux patients», réplique Marc Perreault.

L'urbaniste explique que l'idée lui est venue après l'échec du premier appel d'offres, alors que les deux propositions avaient défoncé le plafond budgétaire imposé. C'est à ce moment que SNC-Lavalin l'a mandaté pour trouver une façon de réduire les coûts de son projet.

Marc Perreault a alors suggéré de placer l'un des stationnements dans la falaise, le règlement d'urbanisme n'obligeant pas la présence de cases souterraines, mais simplement «en sous-sol». La nuance peut sembler triviale, mais elle permettait de prendre le boulevard Décarie comme point de référence. Selon cette interprétation, toute construction en deçà de ce seuil de 48 mètres d'altitude devenait automatiquement en sous-sol sans avoir à se trouver sous terre, une idée dont il a vérifié la validité avec un urbaniste de l'arrondissement.

«Je n'ai jamais prétendu que ce stationnement aurait l'apparence d'un stationnement souterrain. Je leur ai dit qu'il serait apparent, mais qu'il se qualifie comme en sous-sol», résume Marc Perreault, qui se défend d'avoir forcé la main à l'arrondissement.

«On m'a présenté comme quelqu'un qui a un pouvoir de persuasion, de conviction, mais je ne m'appelle pas Messmer, je n'hypnotise pas les gens. Je monte des dossiers étoffés pour que les gens comprennent où je m'en vais. Je me fie à l'intelligence des gens.»

Si l'urbaniste de CDN-NDG a d'abord trouvé son interprétation «originale», il a reconnu que l'idée tenait la route. L'arrondissement a d'ailleurs confirmé hier à La Presse qu'«il n'a pas été exigé que les espaces de stationnement soient sous la terre».

«Je n'ai jamais senti, lors de mes rencontres, que les gens mettaient en doute qu'il s'agissait d'un stationnement en sous-sol. Il y a surtout eu des discussions sur l'enveloppe architecturale», poursuit Marc Perreault.

Quant à son double rôle auprès du CUSM et de SNC-Lavalin, l'urbaniste assure avoir respecté à la lettre son code de déontologie. Il souligne que son mandat auprès de l'hôpital anglophone se limitait au campus de la Montagne, alors que son rôle pour la firme de génie visait le campus Glen.

En plus d'obtenir l'autorisation de l'Agence des PPP, l'urbaniste dit s'être engagé à ne pas profiter de son mandat avec le CUSM pour obtenir des informations pour SNC-Lavalin, précisant qu'il n'aurait jamais voulu courir un tel risque. «Si j'avais tenté de tirer une information, j'exposais SNC-Lavalin à se faire exclure de l'appel de qualification. Je n'existerais plus si j'avais pris ce risque.»

Craintes pour Lac-Mégantic

Maintenant que son nom a été mentionné à la commission Charbonneau, Marc Perreault dit craindre que certaines municipalités deviennent frileuses envers sa firme. Ses inquiétudes sont particulièrement fortes pour Lac-Mégantic, où il conseille la mairie dans le projet de reconstruction de son centre-ville.

L'urbaniste dit ne pas vouloir être perçu comme le gars de Montréal important des pratiques douteuses. «Je ne voudrais pas que les gens doutent du travail que j'ai fait. J'ai peur que les gens aient l'impression que je suis en train de les enfirouaper.»

C'est d'ailleurs pourquoi il dit que son entreprise a collaboré à l'enquête du Directeur général des élections sur le remboursement par son bureau de Québec de dons de trois employés à Équipe Labeaume. Parlant d'un cas isolé, d'une erreur de jugement pour laquelle un directeur a été rétrogradé, Marc Perreault assure que sa firme n'a jamais participé à un tel stratagème. «Contrairement à ce qu'on entend de compagnies où c'était érigé en système, on n'avait pas de système organisé. À Montréal, on ne fait pas ce genre de contributions. On n'a pas besoin de faire ça.»

Photo Bernard Brault, archives La Presse

Le stationnement du CUSM