Le projet de transformation de l'immense site de Radio-Canada à Montréal, y compris de sa tour, est sur la glace depuis plusieurs mois et pourrait être profondément modifié avant d'être relancé, a appris La Presse.

En date du 25 février dernier, les services immobiliers et les services juridiques de Radio-Canada ont présenté au conseil d'administration un rapport d'étape que La Presse a obtenu. On peut y lire que «tout le travail a été suspendu en attendant le règlement» de certaines questions, notamment les coûts du projet pour la société d'État.

Radio-Canada a estimé qu'elle aurait à débourser 27 millions par année pour se loger dans un nouvel immeuble construit sur les lieux. Mais il semble que les deux consortiums en lice pour obtenir le contrat de déplacement de la Maison Radio-Canada (MRC) et du développement subséquent ne partagent pas la même évaluation.

Dans le document, on laisse voir une certaine mésentente entre la société d'État et les deux consortiums pour ce qui est de la valeur du terrain et des immeubles à développer ou à transformer. «La valeur [...] est perçue comme nulle ou négative par les soumissionnaires, ce qui empêche de respecter le seuil d'abordabilité», peut-on lire.

Des millions en jeu

Le seuil d'abordabilité est la différence entre les coûts d'occupation de l'immeuble et la rentabilité prévue en modifiant la vocation de la tour radio-canadienne, et en construisant des condos et du logement social sur les terrains, comme l'explique le président de Busac, Michel Couillard.

Busac est l'une des quinze entreprises formant le consortium connu sous le nom Consortium Média Cité. Le concurrent est Partenaires du développement de la Maison, composé notamment de Broccolini Construction, Development McGill et Beïque Legault Thuot Architectes.

M. Couillard ne donne pas de précision sur les sommes en jeu, mais reconnaît la divergence de vues. «On ne donne pas la même valeur au terrain et aux installations que ce que Radio-Canada s'attendait à en obtenir», a-t-il indiqué.

Selon un document présenté en avril 2013 aux administrateurs de Radio-Canada, les calculs de la société sont basés sur une valeur de revente totale de 65 millions. Cette somme correspond à 37,5 millions pour le bâtiment et les terrains est et ouest. Quant aux stationnements au pied de la MRC, leur valeur s'élèverait à 31 millions. Radio-Canada soustrait toutefois du total 3,8 millions afin d'assurer la construction d'une nouvelle MRC sur le site.

Scénario révisé

À Radio-Canada, la responsable des communications pour le projet de développement de la MRC, Hélène Forest-Allard, se montre prudente sur le sujet du «seuil d'abordabilité». «C'est la somme maximale que la société est prête à payer», s'est-elle bornée à expliquer.

Mme Forest-Allard a toutefois reconnu que «le projet de la Maison Radio-Canada est complexe» et nécessite des rajustements. «On travaille à amender le processus afin de revoir l'échéancier», a-t-elle ajouté.

Selon le rapport d'étape de février, «le projet de la MRC sera retardé de 18 à 24 mois». La situation est suffisamment délicate pour qu'une «réduction de la portée du projet» soit envisagée. «La réflexion sur ce projet est évolutive», a commenté Mme Forest-Allard.

Il est toutefois clairement établi dans le document présenté au conseil d'administration que «seules les solutions utilisant le site sont financièrement viables». Le projet en cours prévoit la construction d'une nouvelle MRC, mais deux autres scénarios sont également à l'étude.

Il s'agit d'un scénario qualifié d'hybride, car il suggère la «rénovation d'une portion de la MRC existante (idéalement les installations de production) et un nouvel immeuble administratif adjacent». On propose également un scénario se concentrant uniquement sur la rénovation partielle de la MRC actuellement en place.

Ces deux dernières hypothèses nécessitent toutefois un nouveau processus d'approvisionnement. Les administrateurs de Radio-Canada ont été informés qu'un tel changement comporte des «risques élevés», notamment en matière de réputation.

Le conseil d'administration doit se prononcer d'ici l'été sur la révision du projet.

Compressions

Radio-Canada est sous pression budgétaire depuis plusieurs années. À la mi-avril, la société d'État a annoncé une deuxième vague de compressions en deux ans. Cette fois, il s'agit de compressions de 130 millions de dollars qui entraîneront la suppression de 657 postes. La direction de Radio-Canada soutient toutefois que cette situation est indépendante du projet de transformation de son site montréalais. «De toute façon, Radio-Canada a besoin d'installations qui répondent à ses besoins», a indiqué Hélène Forest-Allard, responsable des communications pour le projet.