Elle-même aux prises avec un grave problème de seringues souillées à l'intérieur de ses murs, voilà que l'UQAM s'oppose publiquement à l'implantation d'un site d'injection supervisée en plein coeur de son campus.

> Lettre de l'UQAM: L'UQAM, une voisine responsable

Dans une lettre envoyée lundi à La Presse, le vice-recteur à la Vie universitaire, Marc Turgeon, écrit que l'établissement «ne peut, sans examen des alternatives possibles, appuyer l'implantation d'un site d'injection pour toxicomanes» à un jet de pierre de ses pavillons principaux.

Pourtant, selon le Directeur de santé publique de Montréal, des lieux destinés à l'injection sécuritaire de drogues dans le secteur aideraient à résoudre le problème de seringues à la traîne auquel fait face l'UQAM depuis plusieurs années. La semaine dernière, La Presse révélait que le nombre de seringues usagées trouvées entre les murs de l'établissement avait battu des records cet hiver. Les employés d'entretien racontent avoir été forcés de nettoyer presque chaque jour des murs et des planchers maculés de sang ou d'autres fluides corporels et de réparer des cuvettes bloquées par des seringues.

«Une des mesures qui pourraient améliorer la situation, c'est l'ouverture d'un centre d'injection», affirme sans hésiter la Dre Carole Morissette, médecin-conseil à au DSP.

Elle y voit une solution positive à divers problèmes de santé publique et à plusieurs irritants, dont celui des seringues souillées.

Mais pour la direction de l'université, un tel site est tout simplement «incompatible» avec sa mission et ses responsabilités. Dans sa lettre, le vice-recteur soulève aussi des inquiétudes quant à la santé et la sécurité de ses étudiants et employés.

«On n'est pas contre le projet en soi. C'est le fait que ce soit sur notre campus qui pose problème, explique la directrice des relations avec la presse de l'école, Jenny Desrochers. On a 43 000 étudiants, 5000 employés, trois CPE et un camp de jour, qui est situé sur la même rue [où doit voir le jour l'un des sites d'injection]. Nous avons une mission de recherche, d'enseignement et de création.»

L'université a fait part de ses réserves plus d'une fois à la Santé publique depuis 2011. Elle souhaite maintenant les rendre publiques. «On l'a dit à nos partenaires. La Santé publique connaît notre position et nous la maintenons, dit Mme Desrochers. On va voir comment ils vont réagir à notre sortie.»

Un recul pour les promoteurs

Cette prise de position ferme est un recul pour les promoteurs du projet, qui cherchent à rallier le plus d'appuis possible dans les quartiers visés.

Rappelons que l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a fait parvenir au ministère de la Santé, en décembre, une demande de financement en vue d'ouvrir quatre centres de services d'injection supervisée dans la métropole, dont l'un doit être créé dans les locaux de l'organisme communautaire Cactus, rue Sanguinet.

C'est à quelques pas à peine des édifices de l'UQAM, directement en face de la Coop étudiante.

Chez Cactus, on dit ne pas être surpris par la position de l'établissement d'enseignement. «On savait depuis longtemps qu'ils ne sont pas favorables, dit la directrice générale, Sandhia Vadlamudy. On espère pouvoir continuer à discuter avec eux.»

«On va continuer à travailler avec nos partenaires pour voir s'il y a d'autres solutions et alternatives», assure Mme Desrochers.

Cactus, qui a ses locaux dans un édifice appartenant à la Ville de Montréal et non à l'université, est théoriquement libre de les utiliser comme il le souhaite.

À l'instar de la Santé publique, l'organisme croit qu'un site d'injection sera bénéfique pour le quartier. «Ce ne sera pas une panacée. Ce ne sont pas 100% des utilisateurs de drogues qui vont venir, mais ça va aider», estime Mme Vadlamudy.

Selon elle, de plus en plus de voisins de Cactus, auparavant inquiets, voient maintenant d'un bon oeil la potentielle ouverture d'un endroit destiné à l'injection de drogues. «Ils voient ça comme un outil d'amélioration de leur qualité de vie», dit-elle.