Montréal devra attendre au moins jusqu'en 2019 avant de voir son Stade olympique recouvert d'une nouvelle toiture. La question est maintenant de savoir si la toile actuelle résistera jusqu'à son remplacement ou si elle devra être retirée avant, forçant la fermeture complète du bâtiment en hiver.

La Régie des installations olympiques (RIO) a décidé en 2002 de remplacer complètement sa toiture à la suite de la déchirure majeure, le 18 janvier 1999, d'un panneau de la toile pourtant installé l'année précédente. Suivie de près depuis, la toiture présente un nombre grandissant de déchirures, forçant la multiplication des réparations.

La dégradation est telle que le retrait de la toile est envisagé, a indiqué à La Presse le ministre sortant du Tourisme, Pascal Bérubé. «Si on a un avis que la toile n'est plus réparable, j'ai averti la RIO que c'est une décision qu'il faudra prendre. Mais on est loin de là.»

Le retrait de la toile entraînerait la fermeture complète du Stade en hiver. Déjà, la RIO a dû composer avec une interdiction de tenir des événements entre les mois de décembre et mars de 1999 à 2009 en raison du danger posé par la neige. Depuis cinq ans, des événements peuvent se tenir en hiver, mais une accumulation de plus de 3 cm de neige sur la toile peut entraîner le report ou l'annulation de tout événement. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit la fin de semaine dernière quand une partie de l'Impact a été disputée dimanche plutôt que samedi.

«C'est gênant. On se promène avec une règle et, à 3 cm de neige, on dit qu'on ne peut pas avoir d'événement», déplore le maire Denis Coderre. Difficile d'attirer des événements quand une telle épée de Damoclès pend au-dessus de la tête des organisateurs.

La facture pour le retrait de la toile pourrait être élevée puisqu'il faudrait protéger du climat les installations comme les gradins. C'est d'ailleurs ce qui était fait de 1976 à 1987 alors que la toiture du Stade n'avait pas encore été installée. Dans son tout premier rapport annuel, la RIO avait chiffré à 6,5 millions - en dollars d'aujourd'hui - les opérations d'hivernisation du bâtiment pour la seule année 1976.

Pas avant 2019

Tandis que les risques de retrait de la toile grandissent, les démarches pour son remplacement font du surplace depuis 2011. L'actuel président de la RIO, Michel Labrecque, a avisé Denis Coderre qu'il faudra au moins cinq ans après avoir reçu le feu vert du gouvernement pour mener à bien les travaux sur le futur toit. «Cinq ans, ça veut dire 2019. C'est après le 375e de Montréal», se désole le maire.

Ainsi, alors que la métropole a fait de la rénovation de ses installations au Parc olympique son principal legs pour le 375e, le coeur du complexe ne sera toujours pas pleinement opérationnel.

Pascal Bérubé confirme qu'il sera impossible de compter sur une nouvelle toiture pour le Stade à temps pour l'anniversaire de la fondation de la métropole. «L'option Montréal 2017, c'est clair que ça n'existe pas», reconnaît le responsable du dossier au sein du gouvernement sortant.

Les études actuelles de la RIO, qui n'ont pas encore été rendues publiques, évalueraient de 300 à 350 millions les coûts du remplacement de la toiture. L'ex-PDG de la Régie, David Heurtel, qui sollicite un nouveau mandat dans Viau, a présenté à au moins deux reprises le dossier au gouvernement, dont une fois devant la première ministre Pauline Marois.

«On a trouvé que ce n'était pas complet», dit Pascal Bérubé. La RIO aurait trop «orienté» son projet vers un remplacement par une toiture fixe. Le gouvernement tient aussi à connaître les avantages et désavantages d'opter pour une structure rétractable, comme le prévoyait le concept original.

Pascal Bérubé indique d'ailleurs être en contact avec l'architecte Roger Taillibert, qui continue à militer pour que le Stade soit doté d'un toit souple rétractable. Le ministre sortant dit l'avoir rencontré en France en décembre 2012 et être resté en contact avec lui depuis. «Son avis est considéré, mais ce n'est pas le seul.»

Un Stade autofinancé

Parmi les critères que le gouvernement souhaite voir remplis figure l'obtention d'un plan d'affaires permettant d'obtenir une meilleure rentabilité pour cet équipement déficitaire depuis sa construction, il y a 38 ans. «On aimerait que le Stade puisse s'autofinancer, même si ce n'est pas simple», dit Pascal Bérubé.

La RIO a toujours vu son toit comme son principal espoir de mettre fin à ses déficits chroniques, sans jamais y arriver. Cinq ans à peine après l'ouverture du Stade, la Régie a même sérieusement considéré installer un toit fixe, seul scénario possible en l'absence du mât, achevé seulement en 1986.

L'absence de toit nuisait grandement à la rentabilité du Stade olympique.

En 1984 par exemple, six parties des Expos avaient dû être remises en raison de la pluie. L'incertitude liée au climat avait poussé deux salons à annuler leur tenue au Stade pour se dérouler plutôt au Palais des congrès. L'installation de la toile en 1987 a d'ailleurs marqué le début d'une forte croissance des événements organisés dans l'amphithéâtre.

Malgré tout, la rentabilité n'a jamais été atteinte.

Au contraire, les déficits se sont creusés d'année en année pour la RIO. La subvention d'équilibre versée par Québec a atteint 22 millions en 2002. L'aide gouvernementale était encore de 17 millions en 2012.

Montréal devait d'ailleurs hériter du Stade une fois sa construction payée, en 2006. La Ville a toutefois refusé en raison du trop grand déficit d'exploitation. Denis Coderre a beau réclamer une décision rapide pour le remplacement du toit du Stade, quand on lui demande si la responsabilité du bâtiment devrait être cédée à la métropole, sa réponse est claire: «On n'est pas rendus là.»

Six scénarios à l'étude

1. Toile fixe

Installer une nouvelle toile fixe est le scénario le moins onéreux, selon l'ingénieur Roger Nicolet, qui évalue la facture à 100-150 millions. Une toile permettrait d'éviter de faire d'importants travaux pour renforcer la structure du Stade. L'ingénieur dit toutefois qu'il faudrait revoir la géométrie de la toiture qui entraîne trop d'accumulations de neige. Et qui dit accumulations dit déchirures. Pour régler ce problème, il faudrait bomber davantage la toile, mais du coup, on affecterait l'aspect du Stade.

2. Toiture rigide fixe

La structure de béton et le mât n'ont jamais été conçus pour soutenir le poids d'une toiture lourde, dit Roger Nicolet. Les voussoirs - les arches soutenant l'anneau central du Stade - devraient être renforcés, tout comme la tour. Sans s'avancer sur un coût, Roger Nicolet affirme que cette solution serait évidemment beaucoup plus onéreuse.

3. Toile rétractable

Dès que vous introduisez le mot «rétractable» dans l'équation du futur toit, vous faites gonfler la facture de «quelques dizaines de millions», prévient Roger Nicolet. Il convient toutefois que cette solution permettrait au Stade d'atteindre son plein potentiel. Pour éviter les écueils, l'ingénieur suggère de s'inspirer de Vancouver, qui a opté pour le compromis. Inauguré en 1983, l'amphithéâtre BC Place était équipé à l'origine d'un toit gonflé à l'air. Une déchirure est toutefois survenue en 2007, menant à l'installation d'une toile en 2010. Celle-ci est fixe en grande partie, mais une lentille centrale de la grandeur d'un terrain de football est rétractable.

4. Toit rigide rétractable

La firme de génie Dessau a notamment proposé cette solution en 2010, mais Roger Nicolet doute de sa faisabilité. D'abord, le poids d'une telle installation est trop important pour la tour inclinée du Stade. Or, c'est le mât qui soutient de 75% à 80% du poids de la toiture. Il faudrait donc renforcer les voussoirs du Stade en les doublant. Du coup, on réduirait le nombre de sièges dans les gradins. Cela coûterait très cher et le bâtiment en serait métamorphosé. «Si on commence à jouer autant sur la structure, ce n'est plus le Stade olympique de Montréal», dit M. Nicolet.

5. Un stade sans toit

Et si on abandonnait l'idée d'avoir une toiture? Après tout, le Stade a servi pendant plus de 10 ans sans toit avant d'être couvert. Cette solution ne serait pas nécessairement plus économique puisqu'il faudrait «hiverniser» l'intérieur du Stade. Cette opération, à répéter chaque année, avait coûté 1,6 million en 1976, soit 6,5 millions en dollars d'aujourd'hui. Autres inconvénients: en plus de ne plus être utilisable en hiver, le Stade risquerait de se dégrader plus rapidement puisque son intérieur n'a pas été conçu pour affronter les rigueurs de notre climat.

6. Démolir le Stade

Solution extrême, on pourrait décider de démolir le Stade olympique pour mettre fin au gouffre financier. En plus de soulever la colère de plusieurs Montréalais attachés à ce symbole, cette solution coûterait très cher. Impossible de faire disparaître le bâtiment en le dynamitant, notamment en raison de la présence du métro et de l'important nuage de poussière qui s'en dégagerait. «Il faudrait couper ça pièce par pièce et broyer le béton sur place», résume M. Nicolet. Même s'il doute du chiffre de 700 millions d'une étude souvent citée, l'ingénieur estime que la facture «ne serait pas négligeable».

Le point de vue des partis politiques

Parti libéral

L'avenir du Stade passe par la relance de Montréal

La formation de Philippe Couillard ne se prononce pas directement sur l'avenir du toit. Une porte-parole a indiqué que le PLQ s'engageait à adopter un plan économique pour relancer Montréal et que celui-ci prévoirait des investissements en infrastructures dont pourrait bénéficier le Stade olympique. L'ex-PDG du Parc olympique, David Heurtel, aujourd'hui député libéral de Viau, a décliné nos demandes d'entrevue, invoquant son devoir de réserve.

Parti québécois

Un toit pour permettre au Stade de s'autofinancer

Le Parti québécois dit vouloir aller de l'avant avec le remplacement du toit, mais ne pas être pressé. Le ministre délégué au Tourisme Pascal Bérubé dit surtout espérer voir un plan d'affaires tendant vers l'autofinancement. «Quand on aura l'assurance qu'on prend la bonne décision pour les décennies à venir, on va prendre une décision. Les principaux bénéficiaires des dernières années ont été les ingénieurs, les prochains doivent être les spectateurs.»

Québec solidaire

Un toit rétractable de préférence

La formation dit se rallier au rapport Bissonnette sur l'avenir du Stade qui recommandait d'étudier le scénario d'un toit rétractable. «Si les études ne sont pas concluantes, on va procéder avec le toit fixe même si l'idéal est un toit rétractable», dit Alexandre Leduc, candidat dans Hochelaga-Maisonneuve. Montréal pourrait ainsi attirer davantage d'événements internationaux.

Coalition avenir Québec 

Priorité au plan d'affaires

Le parti de François Legault dit attendre de voir le plan d'affaires avant de se prononcer sur le remplacement du toit du Stade. Lors d'un débat à Radio-Canada, Stéphane Le Bouyonnec, candidat dans La Prairie, a dit souhaiter «l'implication du maire pour trouver une solution».