Alors que le marché du sexe se porte mieux que jamais à Montréal, les femmes tentées de quitter ce milieu se butent trop souvent à des obstacles insurmontables. C'est la conclusion que tire la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle (CLES) de deux récentes études, qu'elle a présentées hier aux médias. L'organisme appelle le Québec à suivre la France sur la voie de l'abolitionnisme.

__________________

>>> À lire également, notre dossier: Montréal, capitale du sexe

__________________

Un marché florissant


En 2011, la CLES avait dressé un premier portrait des lieux d'exploitation sexuelle pour la région métropolitaine. L'organisme avait alors recensé 339 salons de massage, bars de danseuses, agences d'escortes, peep-shows, cinémas érotiques et clubs échangistes. Deux ans plus tard, la CLES a recensé 420 lieux du genre. Conclusion: l'industrie continue à fleurir, sans réelle contrainte, en se jouant des lois et des services policiers.

On a recensé 1077 lieux et annonces liés à l'industrie du sexe dans la région métropolitaine. Parmi ceux-ci, on dénombre 420 lieux physiques, avec pignon sur rue (dont 348 à Montréal). Et on a compté 657 annonces dans les journaux ou sur l'internet.

Difficile d'en sortir

La CLES a interrogé 60 femmes qui ont quitté l'industrie du sexe, et 49 autres qui songent à le faire, à Montréal, Québec, Sherbrooke, Val-d'Or, Gatineau et Chicoutimi. Résultat: il est beaucoup plus facile d'y entrer que d'en sortir. La plupart des prostituées qui tentent de quitter le milieu en sont empêchées par le besoin d'argent, la toxicomanie, la stigmatisation, et la difficulté à trouver un emploi ou un hébergement.

La majorité (81%) des 49 femmes encore actives dans l'industrie du sexe ont affirmé vouloir en sortir. Moins de 20% d'entre elles connaissaient l'existence de ressources pouvant les aider à le faire.

À l'assaut des salons de massage

«Les salons de massage érotique sont des bordels contemporains. Tout le monde le sait, tout le monde se tait, tout le monde fait semblant que ce n'est pas vrai. Nous, on pense qu'il y a urgence d'agir», dit la coordonnatrice de la CLES, Diane Matte. Tout en saluant la volonté du maire de Montréal, Denis Coderre, d'éradiquer ces faux salons, Mme Matte souligne qu'il est tout aussi important de soutenir les femmes qui se retrouveront à la rue. «Sinon, on ne réussira qu'à créer plus de pauvreté, plus de besoins.»

Parmi les 420 lieux du sexe recensés dans la région métropolitaine, on compte 303 salons de massage érotique (72,1%), dont 260 sont situés à Montréal.

L'exemple de la France

La CLES appelle le gouvernement du Québec à imiter celui de la France, en voie d'adopter une loi très controversée qui imposera de lourdes amendes aux clients. La Suède, la Norvège, l'Islande et la Finlande ont aussi emprunté cette voie abolitionniste. «Nous sommes à l'heure des choix», dit Mme Matte, qui souligne «l'importance cruciale d'une volonté politique claire de rendre illégitime une industrie basée sur l'exploitation sexuelle de milliers de femmes».

Le gouvernement de la France a décidé d'investir 20 millions d'euros dans un fonds qui sera consacré au soutien des Françaises qui veulent sortir de la prostitution.