Une rencontre qui visait à dénoncer les actes de vandalisme sur des commerces du quartier Hochelaga-Maisonneuve a plutôt illustré les tensions qui règnent dans l'arrondissement. Les élus et intervenants socioéconomiques présents peinaient à faire passer leur message et ont été fréquemment interrompus par des personnes pour qui la mixité sociale est synonyme de colonialisme.

«Il y a du ressentiment dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve sur la présence des condos, qui réduit le nombre de logements en location, et la hausse de prix des loyers est significative», a reconnu d'emblée la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, Carole Poirier.

La députée péquiste réagissait à la dernière vague de vandalisme visant des commerces du quartier. Les vitrines de quatre restaurants ont été fracassées par des briques, dans la nuit du 26 au 27 novembre. Un message retrouvé sur les lieux menaçait les «collaborateurs de la gentrification» et les jeunes entrepreneurs qui «colonisent le quartier».

Outre la députée provinciale, la députée fédérale d'Hochelaga, Marjolaine Boutin-Sweet, du Nouveau Parti démocratique, était présente à la rencontre qui avait lieu au Chic Resto Pop, de même que le maire d'arrondissement Réal Ménard.

«Je condamne le vandalisme comme moyen de vouloir instaurer un dialogue face à des problèmes sociaux qui sont réels, a insisté M. Ménard. Nous ne nous laisserons pas intimider par ceux qui ne croient pas à la mixité sociale.»

«C'est un autre mot pour colonisation, ça!», a réagi un jeune homme dans la foule.

À plusieurs reprises, les intervenants ont dû hausser la voix pour se faire entendre.

«Qu'est-ce que vous faites depuis des années? Vous faites rien, alors ne vous demandez pas pourquoi les gens se fâchent. [...] Ça fait votre affaire, la gentrification du quartier», a renchéri une jeune femme.

Mme Poirier a expliqué qu'une réunion a été tenue vendredi avec les propriétaires des commerces vandalisés, les élus, les acteurs socioéconomiques et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour trouver des solutions. Un comité permanent de réflexion, qui se penchera notamment sur les «effets pervers de la revitalisation», devrait voir le jour, a indiqué Didier Fleury, de la Corporation de développement de l'Est.

Le maire Réal Ménard s'est dit inquiet de cette escalade d'actes de vandalisme depuis quelques mois. Il a confirmé que la présence policière a été renforcée dans les rues Ontario et Sainte-Catherine. Une voiture de police était d'ailleurs stationnée devant le restaurant, le temps de la rencontre.

«Ça a l'air de marcher, le vandalisme, vous êtes tous là aujourd'hui!», a de nouveau répliqué le jeune homme de la foule.

«Je me questionne quand je vois que les intervenants du quartier se mobilisent soudainement pour quatre briques. [...] Mais quand vient le temps de défendre les plus pauvres, pourquoi on ne vous entend pas?», a ajouté une dame.

Jonathan Aspireault-Massé, coordonnateur du comité BAILS, a souligné que dans la liste des actes de vandalisme, Mme Poirier citait l'occupation de son bureau de circonscription. «Mais vous ne dites pas que c'était [...] contre les coupures à l'aide sociale de votre gouvernement, a-t-il souligné. Ça a pris quatre briques pour que vous réagissiez et pourtant, il y a des évictions toutes les semaines, y a des écoles qui ferment, et les HLM se font vider, car vos gouvernements ne les ont pas entretenus.»

Mme Poirier a rappelé que des écoles ont été fermées en raison de la présence de moisissures et qu'une nouvelle école sera construite. Le HLM Nicolet a aussi été fermé pour les mêmes raisons.

Le SPVM a indiqué à La Presse hier qu'aucune arrestation n'a encore été effectuée et qu'aucun suspect n'a été identifié en ce qui concerne cette dernière vague de vandalisme.

Un quartier sous pression

> Avril : Occupation du bureau de la députée Carole Poirier.

> Mai : De la peinture jaune est lancée sur des commerces de la Place Valois.

> Juin : Occupation d'un terrain vague de la rue Ontario.

> Août : Jolène la Licorne, une oeuvre publique conçue pour le festival d'art pluridisciplinaire Zone HoMa, est vandalisée. Les mots « culture de bourge » sont inscrits à la peinture rouge.

> Septembre : Éviction des Loft Moreau, suivie d'une occupation et de l'évacuation du campement installé sur un terrain privé, à l'angle des rues Moreau et Ontario.

> Octobre : Le bureau de la députée Carole Poirier est vandalisé.

> Novembre : Dans la même nuit, les vitrines du resto-bar Le Chasseur, des bistros Bagatelle et Le Valois, dans la rue Ontario, ainsi que du bistro In Vivo, rue Sainte-Catherine, volent en éclats.