L'installation de la «superpoutre» pour sécuriser le pont Champlain illustre on ne peut plus clairement la nécessité d'accélérer les travaux en vue d'en construire un nouveau, selon un expert qui trouve nettement exagérés tant l'échéancier que les coûts que l'on prévoit pour y arriver.

«Si on utilise plusieurs «superpoutres», on va finir par faire un pont en dessous du pont en attendant de construire un pont. Parce que ce qu'on fait, c'est de mettre des poutres en dessous des poutres pour tenir la poutre qui tient le pont. On va aller jusqu'où dans les systèmes?», s'interroge l'ingénieur Normand Tétrault, président et fondateur de la firme Soconex, spécialisée en structures de béton.

Il fait valoir qu'Ottawa a prévu un budget d'un-demi-milliard de dollars d'ici 2018 pour les réparations, qui vient s'ajouter à plusieurs centaines de millions déjà dépensés en réfections au cours des dernières années et qui ne comprend pas les sommes à venir entre 2018 et 2021, date prévue pour la livraison du nouveau pont.

Avec cette multiplication des travaux, les responsables de la structure se dirigent vers une situation des plus absurdes.

«On va payer le prix d'un pont neuf en réparations et on va ensuite le mettre aux poubelles. C'est ce que je trouve le plus désolant, pas comme ingénieur, mais comme contribuable», déplore-t-il.

Il note au passage que le viaduc de Millau, en France, un spectaculaire ouvrage de 2,4 kilomètres, a coûté 400 millions d'euros en 2004 et a été construit en trois ans.

«La construction comme telle, ça prend trois ans, une fois les travaux préliminaires, les plans et les devis terminés», tranche Normand Tétrault, qui rappelle que le Québec a déjà démontré sa capacité de passer en mode accéléré en cas d'urgence.

«Après la crise du verglas, Québec a passé outre à plusieurs étapes. Ils ont dit que l'électricité et l'approvisionnement électrique du Québec sont des priorités et ils ont passé la ligne le long des Cantons de l'Est à la vitesse grand V. Ils ont bousculé toutes les étapes et ils n'ont pas attendu d'avoir les autorisations de tout le monde.»

Qui plus est, il ne comprend pas comment on peut en arriver à un coût estimé entre 3 et 5 milliards $ pour le nouveau pont, considérant que des ouvrages beaucoup plus imposants ont été réalisés pour la moitié ou le tiers de ces évaluations, notamment le viaduc de Millau.

«Évidemment, le viaduc de Millau traverse une vallée et pas un gros fleuve, mais quand même... Alors que nous, ici, on parle de 5 milliards $. Ce sont des chiffres que je ne suis pas capable d'assimiler. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.» Normand Tétrault reconnaît, cependant, que le fait de construire en parallèle à une structure existante, cela nécessite des mesures de mitigation de la circulation et d'autres éléments qui coûtent cher «mais de là à doubler, tripler le prix d'un pont, je m'interroge.»

Le coût du pont Champlain lui-même, construit en 1963, est estimé à 257 millions $ (2011).