La majorité des banlieusards et des Montréalais s'oppose clairement au péage prévu par le gouvernement fédéral sur la nouvelle structure qui remplacera le pont Champlain d'ici 2021.

Selon un sondage CROP réalisé pour La Presse, 61% des résidants de la région de Montréal se disent «peu» ou «pas du tout» favorables à un péage sur le nouveau pont. Ce pourcentage atteint 69% chez les résidants des banlieues de Montréal. Même dans la métropole, où le principe d'un péage routier est généralement mieux accepté, 53% des répondants y sont plutôt défavorables.

Ces résultats tranchent brutalement avec ceux des nombreux autres sondages menés au fil des ans, où une majorité des Québécois se disait favorable à un péage dont les revenus seraient réinvestis dans l'entretien des infrastructures ou dans les services de transports en commun.

Selon Ottavio Galella, ingénieur en circulation et partisan avoué des péages routiers, ces résultats indiquent que le gouvernement fédéral devra rapidement fournir au public une indication réaliste quant aux tarifs qu'il entend imposer et aux motifs qui les justifient.

«Il circule en ce moment beaucoup d'informations qui ont pu influencer l'opinion des gens, dit le président et fondateur de Consultants Trafix. On dit que le péage va coûter de 5 à 7$ par passage, qu'on va payer le même prix en tout temps, que le trafic va se déverser sur les ponts voisins et augmenter la congestion. Rien de cela n'a été confirmé, mais c'est évident qu'un tarif de 5$ ou plus va être jugé excessif.»

Effets pervers

Le vice-doyen à la faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal, Paul Lewis, s'est dit peu surpris du niveau élevé d'opposition dans les banlieues, où 7 personnes sur 10 sont «peu ou pas» favorables à un péage sur le futur pont. Il s'étonne toutefois de l'appui un peu tiède des Montréalais, qui s'élève à seulement 47%.

Les résidants de Montréal se sont souvent montrés partisans de l'implantation de péages routiers sur les ponts et les routes de la métropole dans des proportions pouvant varier de 60 à 70%, lors de nombreuses enquêtes d'opinion menées ces dernières années.

«Les Montréalais sont probablement plus nombreux à comprendre qu'un péage sur ce pont - qui est quand même le plus achalandé au Canada - va avoir des effets pervers sur la circulation», croit Paul Lewis.

Négociations

«Il faut dire aussi que le ministre Denis Lebel [responsable politique du dossier pour le gouvernement Harper] n'a pas fait preuve d'une grande ouverture au débat dans ce dossier. Il dit en gros: nous avons décidé qu'il y aurait péage, il y aura donc péage. That's it. Il faut faire davantage», affirme le professeur Lewis.

L'ingénieur Ottavio Galella croit pour sa part que le gouvernement du Québec et les municipalités de la région métropolitaine devraient saisir l'occasion pour amener le fédéral à négocier l'implantation du péage sur nouveau pont Champlain dans un cadre global, plus cohérent, qui comprendrait l'ensemble des ponts de l'île.

«La Communauté métropolitaine de Montréal, la Ville de Montréal et le ministère des Transports du Québec ont commis une erreur en refusant pendant des années d'envisager sérieusement la mise en place de péages, qui pourraient rapporter 400 millions de dollars par année pour des projets de transport.»

«Le gouvernement fédéral nous force aujourd'hui à réagir et il faut négocier avec lui, croit M. Galella. Dans l'état actuel des discussions, la négociation pourrait devenir difficile. Mais elle est inévitable.»

Un pont «signature»

Une nette majorité des résidants de la région de Montréal souhaite que l'ouvrage qui remplacera le pont Champlain «devienne une signature» pour la ville.

Deux répondants sur trois (65%) approuvent ainsi la tenue d'un concours international d'architecture en vue de la conception de la nouvelle structure sur le Saint-Laurent, dont le coût est estimé à entre 3 et 5 milliards.

Selon un sondage CROP mené pour La Presse, 67% des résidants de Montréal et 63% des banlieusards estiment «très» ou «assez» important de lancer un tel concours, malgré les hésitations du gouvernement fédéral sur ce point.

Seulement 7% des répondants montréalais et 13% des résidants des banlieues, soit 10% au total, sont d'avis qu'un tel concours n'est «pas important du tout». Ce sondage a été réalisé auprès de 1000 personnes, soit 482 résidants de Montréal et 518 résidants de la région du 450, à partir d'un panel web, entre les 18 et 22 octobre derniers.