Un imam fondamentaliste montréalais, qui considère que le viol est une punition d'Allah, n'est pas le bienvenu en France. Il a été contraint de revenir à Montréal sitôt débarqué de son avion outre-Atlantique pour assister à un rassemblement salafiste, a appris La Presse.

Le 21 juin dernier, l'imam Sulaiman Al-Hayiti atterrit à l'aéroport d'Amsterdam. Il est attendu en Belgique pour une série de «cours». Sa destination finale est Montpellier, dans le sud de la France, où a lieu début juillet un séminaire salafiste.

Mais une mauvaise nouvelle l'attend. Il doit revenir à son point de départ. «Semblerait que je ne puisse pas entrer en France. La France m'interdit l'entrée dans l'Union européenne. Je suis bloqué à Amsterdam», écrit-il alors sur son compte Twitter.

Le lendemain, le prédicateur écrit ceci: «Je suis désolé pour les frères qui avaient organisé les séminaires, mais la France m'interdit l'entrée. Je suis arrivé à Montréal sain et sauf.»

Fondamentaliste et pacifiste

Abu Sulaiman Al-Hayiti est un prêcheur salafiste dit piétiste, c'est-à-dire qu'il prône une interprétation très stricte des textes du Coran et de la Sounnah, de «l'islam dans toute sa pureté», mais dénonce les attentats causés par les djihadistes armés. Ce qui lui vaut aussi d'être rejeté par les tenants de l'extrémisme violent. Il considère aussi les Frères musulmans comme des égarés.

Ce converti né à Montréal, et formé en Arabie saoudite, est décrit sur un site salafiste comme un «prêcheur du juste milieu, sans extrémisme [terrorisme] et sans laxisme [islam de France]»!

L'homme est très actif sur les réseaux sociaux. Il est aussi l'administrateur d'un site internet salafiste à partir duquel il diffuse ses prêches.

Ses propos et ses écrits sont plutôt musclés. L'imam Al-Hayiti est notamment pour l'interdiction de la mixité homme-femme, y compris dans les lieux publics, et pour le port du hijab total sur «tout le corps».

Selon lui, la mixité entraîne «l'adultère, la fornication, le viol, la pédophilie, les MTS, le sida, les enfants illégitimes, la délinquance, l'impudeur, l'obscénité, le crime, la violence etc». Et d'ajouter: «Toutes ces choses sont des punitions d'Allah.»

Des propos qui font sursauter. Néanmoins, la Commission canadienne des droits de la personne a refusé en 2008 d'enquêter sur une plainte déposée contre l'imam pour propagande haineuse contre les juifs, les homosexuels, etc.

L'imam avait alors pris la plume pour dénoncer les amalgames entre «terrorisme et islam» et surtout défendre son ouvrage: «C'est une réponse pacifiste à toutes ces attaques contre ma religion qui est l'islam orthodoxe! Je dis pacifiste, parce que même si le ton du livre est dur, il ouvre la porte à un vrai dialogue.»

À la même époque, l'imam avait aussi été expulsé d'une mosquée rue Jean-Talon où il prêchait. Ses fidèles n'avaient pas aimé qu'il ait affirmé qu'Adil Charkaoui, à son arrivée au Québec, prônait le djihad armé.

Plusieurs islamistes ont été renvoyés par la France vers divers pays ces derniers mois sur ordre du ministre de l'Intérieur «parce que hostiles aux valeurs de la République» et parce qu'ils «entendent faire prospérer un discours haineux, radical et obscurantiste».

En février dernier, c'est un Canadien binational de 26 ans qui a été expulsé vers Montréal parce qu'il représentait «une menace pour l'ordre public».

Le ministère français de l'Intérieur n'a pas commenté le dossier Al-Hayiti. L'intéressé n'a pas répondu non plus aux questions de La Presse.