La démission en bloc des trois membres indépendantes du C.A. de l'Agence métropolitaine de transport(AMT) pourrait être un premier pas vers une transformation majeure de cet organisme, et vers une nouvelle distribution des rôles dans la planification des transports en commun métropolitains.

En entrevue à La Presse, le ministre des Transports du Québec, Sylvain Gaudreault, a reconnu hier que les problèmes de gouvernance de l'AMT, qui ont entraîné ces démissions, sont connus de son gouvernement depuis un an. Selon lui, il avait été convenu, en 2012, que la question serait abordée dans la future Politique québécoise de mobilité durable (PQMD) dont le dépôt est attendu cet automne.

M. Gaudreault a assuré hier que cette politique sera rendue publique «d'ici quelques semaines» et qu'elle proposera une solution aux problèmes de gouvernance «qui ne sera pas nécessairement celle qui m'a été suggérée par l'AMT en juin dernier».

«Pas conforme à la loi»

Il en a profité pour fustiger l'ancien gouvernement libéral, qui connaissait aussi cette situation et qui n'a rien fait pour y remédier après avoir pourtant adopté, en 2006, une loi sur la gouvernance des sociétés d'État qui prescrivait des règles précises pour la formation de leur conseil d'administration. L'AMT ne s'y est jamais conformée, à tel point qu'elle serait aujourd'hui, selon M. Gaudreault, la «seule société d'État qui ne soit pas conforme à la loi».

Le conseil d'administration de cette agence provinciale qui emploie 380 personnes et dont le budget annuel s'est élevé, l'an dernier, à 212 millions est présentement composé de sept personnes: son président et directeur général, Nicolas Girard, trois élus municipaux dont un de la Ville de Montréal, et trois membres indépendants provenant du milieu socioéconomique.

Ce sont ces trois membres qui ont démissionné en bloc cette semaine, comme l'a révélé La Presse hier. L'une d'entre elles, Mme Martine Corriveau-Gougeon, siégeait au C.A. de l'AMT depuis 2003 et était présidente du comité de vérification interne. Les deux autres, Louise Fecteau et Céline Garneau, y ont été nommées en 2011 par Québec.

Leur départ en bloc à quelques semaines du dépôt d'une politique qui doit régler les problèmes de gouvernance qu'elles dénoncent a relancé hier les spéculations sur l'avenir de cette agence, créée en 1996 pour planifier le développement des transports collectifs à l'échelle métropolitaine.

Dans un mémoire adressé au ministre Gaudreault en juin, l'AMT proposait que son C.A. soit formé de 15 personnes, soit 6 élus municipaux et 9 membres «indépendants» qui seraient nommés par le gouvernement. Les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général, présentement assumées par le PDG, seraient scindées en deux postes distincts.

Ces propositions «font consensus dans les municipalités de la région métropolitaine», a assuré hier le PDG de l'AMT, Nicolas Girard.

Problème plus large

Mais pour plusieurs intervenants du milieu des transports collectifs joints hier par La Presse, qui se sont exprimés sous le sceau de la confidentialité, les enjeux de gouvernance entourant l'AMT dépassent largement la composition ou le nombre de membres de son conseil d'administration.

L'AMT, qui gère aussi le réseau de trains de banlieue de la région métropolitaine, n'a jamais fait l'unanimité auprès de ses principaux «partenaires», soit les 82 municipalités de son territoire regroupées au sein de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Au cours des dernières années, la CMM s'est élevée à maintes reprises contre des décisions de l'AMT concernant les tarifs des trains de banlieue, la création de nouveaux services de bus, le partage des revenus provenant de la taxe sur l'essence et la croissance des contributions financières demandées par l'Agence aux municipalités.

Lors des consultations du ministre Gaudreault sur la prochaine «politique de mobilité durable», la CMM a réclamé des pouvoirs d'approbation et de désaveu sur les budgets et les projets d'immobilisations de l'AMT.

Il est aussi de notoriété publique que les villes de Montréal et Longueuil, entre autres, verraient d'un bon oeil un transfert des responsabilités de planification des transports vers la CMM, et la transformation de l'AMT en un simple opérateur de trains de banlieue. Un des candidats à la mairie de Montréal, Denis Coderre, a d'ailleurs présenté en début de semaine une proposition semblable dans sa plateforme électorale sur les transports.