Il a subi un procès pour double-meurtre, il a été trouvé coupable de tentative de meurtre, et puis depuis ce vendredi, Benjamin Hudon-Barbeau est un homme libre, blanchi de toute accusation par la Cour d'appel du Québec.

Ce dénouement, le jeune homme soupçonné par la police d'être un proche des Hells Angels, et qui a toujours clamé son innocence, il le doit à la rétractation du seul témoin à avoir affirmé l'avoir vu tirer. Kim Lamoureux jure aujourd'hui avoir fait cette déclaration sous contrainte policière.

Le 24 octobre 2006, une bagarre a éclaté dans le salon VIP de la boîte de nuit Upperclub, sur le boulevard Saint-Laurent. Jean-Patrick Fleury, un membre de gang de rue ivre, se serait emparé de la bouteille de grappa d'un groupe d'Italiens, dont certains membres de la mafia. Ceux-ci ne l'auraient pas digéré. D'autant plus que Fleury avait été impliqué dans une fusillade un an plus tôt, au bar le Moomba, à Laval. Mike Lapolla, jeune étoile du clan Rizzuto, avait péri, tout comme son rival Thierry Beaubrun.

Auraient donc pris part à cette mêlée au Upperclub Charles Édouard Battista, Giuseppe Fetta et Danny Winton Martinez-Canas, trois fiers-à-bras de la mafia qui allaient plus tard être arrêtés dans le cadre de l'opération Colisée.

À un moment donné, Fleury et son acolyte Vladimir Nicolas ont pris la fuite par l'escalier de secours extérieur du bar. Ils y ont été poursuivis et abattus de 14 projectiles d'arme à feu. Une boucle d'oreille portant l'ADN de Martinez-Canas a même été trouvée dans la main de Fleury.

Un témoin a aussi vu quitter les lieux en trombe le camion de Battista.

L'équipe d'enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal qui avait mené l'enquête, dont faisait partie Mario Lambert, enquêteur par la suite accusé d'avoir fourni l'identité d'un agent source à un criminel, n'a enquêté ce camion qu'un mois plus tard. Après la fameuse opération Colisée qui a connu son dénouement le 22 novembre suivant. Les avocats d'Hudon-Barbeau, Mes Pierre et Guy Poupart, ont suggéré au procès que la GRC avait peut-être, pour ne pas nuire à son enquête sur la mafia, empêché le SPVM d'enquêter le trio d'Italiens.

Hudon-Barbeau lui, était sur les lieux. Il ne l'a jamais nié.

Mais il a toujours réfuté ce que Mme Lamoureux est venue affirmer au procès, c'est-à-dire qu'il a fait feu à deux reprises en direction de deux hommes noirs qui fuyaient vers l'arrière du bar.

Le témoignage de Lamoureux avait été jugé trop faible par le juge qui avait présidé le procès, Jean-Guy Boilard, pour justifier un verdict de culpabilité pour meurtre. Car il ne permettait pas de dire s'il avait bel et bien tiré sur les victimes. En revanche, pour lui, il pouvait étayer une condamnation pour tentative de meurtre sur des fuyards non-identifiés.

Ce fut d'ailleurs le verdict du juge. Hudon-Barbeau avait écopé de 12 ans de pénitencier.

La jeune femme, qui était le seul témoin valable dans cette affaire selon le juge Boilard, a toutefois retourné sa veste récemment, avant que ne soit entendu l'appel du verdict logé par les frères et avocats Poupart.

«En effet, dans une déclaration manuscrite du 29 octobre 2011, suivie d'une autre du 9 novembre, enregistrée sur bande vidéo, Mme Lamoureux répudie son témoignage et affirme, sous serment, qu'il était fabriqué en ce qu'elle n'a pas vu l'appelant (Hudon-Barbeau) faire feu en direction des victimes. Elle déclare que, depuis le procès, elle a suivi une cure de désintoxication, et pris conscience des conséquences de sa conduite et veut apaiser sa conscience», écrit la cour d'appel dans son jugement rendu ce vendredi, et qui acquitte Hudon-Barbeau.

«L'appelant souligne que, dans ces déclarations, Mme Lamoureux dit s'être sentie pressée par les policiers et avoir relaté une version qui ne correspondait pas à la vérité, notamment par peur d'être accusée de trafic de drogue, activité à laquelle elle s'adonnait au bar où les évènements se sont produits», ajoute la cour d'appel.

Fait à noter, c'est la deuxième fois en moins d'un an que Hudon-Barbeau est blanchi d'accusations graves par un tribunal. Le printemps dernier, il faisait partie d'un groupe de 31 accusés arrêtés lors de l'opération SharQc contre les Hells Angels et leurs proches de tout le Québec, et qui ont été élargis par le juge de la cour supérieure James Brunton. Celui-ci avait déclaré que le nombre d'accusés et le volume de la preuve étaient impossibles à gérer par le système judiciaire québécois, qui manque cruellement de ressource. Une décision qui sera bientôt examinée par la Cour d'appel du Québec.

Benjamin Hudon-Barbeau sortira donc sous peu, si ce n'est déjà fait, du pénitencier à haute sécurité de Donnacona, où il avait été récemment été transféré. Il était auparavant détenu à l'établissement à sécurité moyenne Leclerc, à Laval.

«Il a sauté une coche au Leclerc dans le temps des fêtes. Il n'était plus capable d'être endedans pour rien, depuis cinq ans. Il en était presque devenu suicidaire. Il n'a pas voulu entrer dans sa cellule. Il a la mèche courte et puis il criait toute la rage qu'il avait dans le coeur», explique son père, Michel Barbeau.

Cet homme mène depuis l'arrestation de son fils une quête visant à le faire innocenter. Il a même publié, à compte d'auteur, un livre sur la question, Coupable d'être innocent.

«La première fois que je l'ai vu après son arrestation, à la prison de Rivière-des-Prairies, on s'est parlé dans le blanc des yeux. Il m'a juré qu'il n'avait pas fait ça. Il n'a jamais été arrêté avec une arme de sa vie. Il n'en a pas besoin, il a fait 10 ans d'arts martiaux. C'est tout un jack», affirme le père, chez qui c'était la fête lorsque La Presse l'a contacté, une demi-heure après qu'il ait appris la nouvelle.