Environ deux mois après sa naissance, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a orchestré son premier coup de filet, mercredi, en menant une quinzaine de perquisitions, surtout dans des entreprises liées au domaine de la construction établies à Saint-Jean-sur-Richelieu. Les policiers sont également allés éplucher des documents à l'hôtel de ville de cette municipalité du Haut-Richelieu.



Une des entreprises sous la loupe des autorités appartient à un ancien vice-président du Groupe Catania, dont les locaux avaient d'ailleurs été investis par des policiers de l'escouade Marteau l'an dernier.

Aucune arrestation n'était toutefois prévue mercredi. «Plusieurs témoins seront rencontrés et les perquisitions découlent de soupçons de corruption et de collusion dans l'octroi de contrats en lien avec le secteur de la construction», a indiqué la porte-parole de l'UPAC, Nathalie Pitre.

Cette dernière s'est montrée peu loquace sur l'opération, qui a forcé le déploiement d'une centaine de policiers et enquêteurs. La Presse est toutefois parvenue à visiter plusieurs endroits qui ont fait l'objet de perquisitions, presque tous concentrés dans un rayon de moins de cinq kilomètres à Saint-Jean-sur-Richelieu.



Civbec

Des perquisitions ont notamment été menées à l'entreprise Civbec, spécialisée en excavation, dont les locaux se trouvent dans un petit centre commercial de Saint-Jean-sur-Richelieu. Civbec vient notamment d'obtenir un contrat du ministère des Transports de Québec pour la réfection d'un pont à Cowansville, un autre pour le viaduc Salaberry sur la 15, et a terminé en 2009 un contrat à l'usine d'eau potable de la ville de Carignan.

Les policiers se sont parallèlement présentés chez le dirigeant de Civbec, à Brossard, qui a été vice-président chez le promoteur Catania.

Ce n'est pas la première fois que le nom de l'imposant constructeur Catania se retrouve à l'avant-scène en marge d'une opération du genre. En mars 2010, des agents de la Sûreté du Québec, appuyés par des policiers de Longueuil, avaient investi le siège social de cette entreprise à Brossard. Ils y avaient rencontré des dirigeants et des employés de l'entreprise en plus de consulter certains documents.

Cette perquisition, menée en marge de l'opération Marteau, était apparemment liée au Faubourg Contrecoeur, le projet immobilier qui s'était retrouvé au coeur de la tourmente en 2009, lorsque la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) avait racheté le terrain à la Ville, avant de le revendre à Catania à un prix inférieur à l'évaluation municipale.

Construction Beaubin et Courville

À quelques kilomètres des locaux de Civbec, sur le boulevard Saint-Luc, les policiers ont aussi perquisitionné mercredi dans les locaux de la société Construction Beaudin et Courville (CBC), spécialisée en excavation et en génie civil. Cette firme mène des travaux de forage et de dynamitage dans plusieurs projets résidentiels en chantier de la région.

Un peu plus loin, d'autres perquisitions ont été menées aux carrières Bernier et P. Baillargeon, presque situées côte à côte. Selon nos informations, la carrière Bernier posséderait beaucoup de parts de CBC. À notre passage, plusieurs camions de CBC entraient et sortaient d'ailleurs de la carrière, située sur le chemin du Petit-Bernier. 



Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Des perquisitions ont eu lieu à l'hôtel de ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Visite à l'hôtel de ville

En matinée, des membres de l'UPAC se sont aussi présentés à l'hôtel de ville de la municipalité. La Presse a obtenu un courriel envoyé par le directeur général Daniel Desroches aux employés de la Ville, pour leur expliquer la présence des policiers dans les différents bâtiments municipaux. «Ces interventions sont liées à des activités de collusion et de corruption pour l'octroi de contrats dans l'industrie de la construction. Les administrations municipales sont donc perquisitionnées pour y trouver divers documents», peut-on lire dans le courriel.

«La division Approvisionnements, les services de l'Urbanisme, des Infrastructures et des Technologies de l'information sont entre autres visités. Je tiens à rassurer les employés que ces perquisitions ne visent pas les activités de la Ville, mais que notre organisation peut posséder des documents pouvant faire cheminer l'enquête», a ajouté le directeur général.

Une porte-parole de la Ville, Anne Potvin, a confirmé ces informations. «On collabore avec les policiers, mais l'enquête n'est pas dirigée contre nous», a-t-elle rappelé.

Pour l'heure, l'enquête se poursuit pour déterminer les liens entre les entreprises ciblées mercredi et ce qu'on leur reproche. D'autres actions pourraient être intentées prochainement.

L'Unité permanente anticorruption, créée en février dernier, regroupe notamment des enquêteurs de l'escouade Marteau, de Revenu Québec, du ministère des Affaires municipales et du Bureau canadien de la concurrence.

Lors de son inauguration, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, avait expliqué qu'il s'agissait de la réponse de Québec aux fortes pressions visant à obtenir une commission d'enquête publique dans le milieu de la construction.

Ce coup de filet est survenu au lendemain de l'arrestation de l'ex-maire de Boisbriand par des policiers de l'escouade Marteau. Robert Poirier a été arrêté chez lui sous des accusations de fraude, d'abus de confiance et de complot.

- Avec la collaboration de Fabrice de Pierrebourg

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a perquisitionné les bureaux de la carrière Bernier, à Saint-Jean-sur-Richelieu.