C'était au tour du café-bar La Barca d'être la cible d'un incendie criminel dans la nuit de dimanche à lundi, rue Jean-Talon. La vague d'attentats au cocktail Molotov contre les cafés italiens -qui a fait au moins une vingtaine de victimes en un an- a-t-elle repris ?
Difficile de ne pas y penser en raison des nombreuses similitudes entre ce nouvel attentat et les nombreux autres recensés au cours de la dernière année.
Comme à chaque fois, un objet incendiaire a été projeté à l'intérieur du commerce visé aux aurores. Les dommages sont mineurs et les locataires des appartements perchés à l'étage ont été évacués.
Et comme à chaque fois, le propriétaire, interrogé par La Presse sur les lieux, raconte n'avoir fait l'objet d'aucune menace.
De leur côté, les policiers se font avares de commentaires, sous prétexte de ne pas nuire à l'enquête en cours.
Les locataires et résidents du secteur, pour leur part, cachent mal leurs inquiétudes. «Un gros boum m'a réveillé. Mon fils a vu quelqu'un sauter la clôture. J'ai vu des flammes au-dessus de la porte et j'ai appelé le 911. C'est pourtant un bar tranquille», raconte Yves Fortin.
De sa fenêtre, il a vue sur la porte arrière du bar-café, forcée tout juste avant l'explosion.
Cette déflagration semble avoir été puissante, à en juger par les débris et les éclats de verre qui ont été soufflés au milieu de la chaussée devant le café.
Les quatre logements à l'étage ont été évacués. Personne n'a été blessé. Assis dans son véhicule garé, le propriétaire du café n'a pas joué à l'autruche. Il semblait admettre que l'attaque contre son café est relié aux autres attentats. «Ça a l'air de reprendre (la vague), mais je n'ai pas eu d'avertissements ou de visites dernièrement. C'est pourtant une belle petite place tranquille ici, c'est complètement fou!», lance l'homme, qui n'a pas voulu s'identifier.
En novembre dernier, un autre café de la rue Jean-Talon, le Végas, était visé par un cocktail Molotov.
Ce nouvel attentat survient quelques jours après cet autre contre un café de l'ouest de la métropole, le Solaris, incendié un an jour pour jour après une première attaque au cocktail Molotov contre le même établissement. Le bistro Solaris est d'ailleurs le premier de la longue liste des cafés ciblés, qui s'étirent «officiellement» de septembre 2009 à janvier 2010.
D'autres incidents survenus depuis janvier sont peut-être passés sous le radar ou n'ont pas été reliés à la vague par la police. L'enquête sur cette série d'incendies criminels avait fait un bond de géant en mai, avec l'arrestation de neuf individus liés aux gangs de rue par l'équipe multidisciplinaire mise en place à la division du crime organisé du SPVM.
Avant ces neuf arrestations, les attaques au cocktail Molotov ont connu une accalmie, qui s'expliquait peut-être par le fait que cinq des prévenus épinglés dans cette frappe se trouvaient déjà derrière les barreaux.
Encore à ce jour, la police n'a toujours pas divulgué les mobiles de ces attaques et retient plusieurs hypothèses. Selon nos sources, la plus plausible évoque des tensions entre des clans italiens. Ces tensions ne risquent pas de se résorber avec l'assassinat, en décembre, de Nick Rizzuto, fils du présumé chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto. C'est sans oublier la mystérieuse disparition en mai de Paolo Renda, consigliere de la mafia montréalaise et bras droit de Nicolo Rizzuto, et encore l'assassinat quelques semaines plus tard d'Agostino Cuntrera, désigné comme l'un des successeurs du parrain de la mafia montréalaise. Ces événements et les attaques contre les cafés illustreraient l'instabilité qui règne dans la mafia montréalaise. Les incendies dans les cafés pourraient être le fait de gangs de rue à la solde d'un clan italien.
Le travail des policiers est par ailleurs grandement compliqué par l'omerta qui règne chez les commerçants visés par les cocktails Molotov.
Liste «officielle» des attentats
24 janvier
Café-bar Sambuca, 9597, boul. Maurice-Duplessis
5 janvier
Café Côté Est, 2450, rue Charland
26 novembre
Café-bistro La Rosa, 3943, rue Fleury
24 novembre
Café-bar Ferrari, 8061, rue André-Ampère
23 novembre
Café Vegas, 2670, rue Jean-Talon
19 novembre
Café Crystele,
3719, rue Villeray
18 et 12 novembre
Café La Toca
2320, rue Henri-Bourassa Est
5 novembre
Café Aviano, 9185, boul. Saint-Michel
3 novembre
Café Chez Bobbi, 178, rue Jean-Talon
29 octobre
Café bistro Charland, 2347, rue Charland
28 octobre
Café Pirandello, 3280, boul. Robert
Bar Peaches, 8420, boul. Saint-Michel)
17 octobre
Bar Beaches, 8974, boul. Langelier
13 octobre
Café Buon Giorno, 5055, boul. Couture
Salles de réception Château classique, 6010, rue des Rivières
27 septembre
Café Baccio, 8760, boul. Gouin)
22 septembre
Bistro Solaris, 5484, boul. Décarie