J’en parle à tous mes amis, comme vous en faites partie, je vous en parle à vous aussi. Connaissez-vous Les petits mouchoirs ? Non, je ne cause pas allergies, je cause cinéma. C’est un film. Pas un nouveau film. Un vieux film. Un vieux film pas si vieux que ça, c’est sorti en 2010. Un film français de France, réalisé par Guillaume Canet. Je l’ai vu au moins six fois. Je ne m’en lasse pas. Ça me réjouit et me bouleverse, tous les coups. Je ne m’en lasse pas, comme un enfant ne se lasse pas d’Histoire de jouets. Parce que je suis certain que ça va me faire du bien. Que les deux prochaines heures seront un petit bonheur.

Ça raconte l’histoire d’une bande d’amis. Les Français ont un don pour raconter l’amitié. Max, le plus fortuné de la bande, reçoit tous les étés ses potes dans sa superbe villa au Cap Ferret. Juste avant le départ de Paris, l’un des membres du groupe, Ludo, est victime d’un très grave accident de la route. Sa moto est catapultée par un poids lourd. Après s’être précipité à l’hôpital, le reste de la bande décide tout de même de partir pour la mer. Ne craignez rien, je ne viens pas de vous raconter tout le film, c’est juste l’amorce. Après ça, ça commence.

Il y a, dans cette histoire, 11 personnages principaux. Oui, vraiment 11. Bien sûr, il y en a qui ont plus de répliques que d’autres, mais ceux qui en ont moins ne sont pas des rôles secondaires. Au contraire. On s’attache aux 11. On aime les 11. On s’identifie aux 11. Parce que c’est bien écrit, bien réalisé, et que la chimie est si forte entre eux qu’ils en deviennent indissociables. On ne savoure pas seulement le caractère de chacun des individus, mais on savoure aussi le rapport qu’ils ont entre eux. La bande, en tant que telle, est le 12e personnage. Le tout. Le film. Parce que c’est ça, la vie. Dès qu’une personne est en relation avec une autre personne, se crée une troisième entité. Ce que donne le mélange de ces deux êtres. Leur ensemble. 

Parfois, c’est une addition, parfois une soustraction, et quand les astres sont bien alignés, ça peut être une multiplication. C’est ça, les grandes histoires d’amour. C’est ça, les grandes histoires d’amitié.

Connaître en deux heures autant de personnages, les adopter et vouloir leur bien, c’est du grand art. Bien sûr, le talent des interprètes y est pour beaucoup. Ce sont les meilleurs de leur génération : François Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lelouche, Valérie Bonneton, Laurent Lafite, Pascale Arbillot, Benoît Magimel, Joël Dupuch, Louise Monot, Anne Marivin et Jean Dujardin. Ils sont tous vrais, justes, humains. De grandes actrices, de grands acteurs.

Ce qui était rafraîchissant avec Les petits mouchoirs en 2010, et qui l’est toujours en 2019, c’est que ce n’est pas un film de superhéros. Ils n’ont pas d’armure. Ils n’ont pas de pouvoirs. Ils ne se battent pas à coup de lasers durant une heure. Ce n’est même pas un film de héros tout court. Il n’y a pas de bons ni de méchants. Il n’y a que des souvent bons, parfois méchants. Du monde, quoi. Ce n’est même pas l’histoire d’un gros drame. C’est l’histoire de la vie de ceux et celles à côté du drame. Bref, l’histoire de tous les jours, avec les gens de tous les jours. Et c’est pour ça que ça m’émeut tant. C’est pas Avengers, c’est pas la guerre, c’est pas l’exceptionnel. C’est la vie. Rien que la vie. La vie est un bon film. Quand on la montre comme elle est.

Et maintenant, la suite

Vous vous demandez ce que j’ai, en ce samedi de mai 2019, à vous vanter les mérites d’une vue du passé ? C’est que la suite vient de sortir. Ça s’appelle Nous finirons ensemble. Et ça réunit toute la bande. Quand je dis que ça vient de sortir, je devrais préciser que ça vient de sortir en France, où ça cartonne puissamment. Ici, ça sort fin juin. Je ne sais pas pourquoi ce délai. Il serait temps que les distributeurs de films vivent avec leur époque. Au temps des internets, ce qui est diffusé en Australie l’est aussi, dans la même fraction de seconde, à Lavaltrie.

N’empêche que ces quelques semaines d’attente permettront à tous ceux qui n’ont pas vu le premier de se rattraper. Quoique, ce ne sera pas si évident. Malgré l’énorme succès populaire des Petits mouchoirs, plus de 5 millions d’entrées en France, près de 50 millions de dollars au box-office, il est presque introuvable. Pas sur iTunes, pas sur Netflix, nulle part. C’est ainsi que l’on constate que toutes ces grandes plateformes planétaires se moquent bien de la culture francophone. À quand un Netfranco ? Cinéphiles de la langue de Truffaut, unissez-vous ! J’espère que dans votre bande de copains, il y en a un qui a le film en vieux DVD. Vous passerez une belle soirée. C’est ce que j’ai fait mercredi, en invitant de doux amis. Nous finirons ensemble, nous aussi.

En terminant, ça s’appelle Les petits mouchoirs, pas à cause des larmes que vous risquez d’essuyer, mais à cause de l’expression : « Le mettre dans sa poche et mettre un mouchoir dessus. » Ce sont toutes ces petites choses que l’on dissimule, au cours d’une vie, aux autres et souvent à nous-mêmes, et qui nous briment l’existence. Le film nous donne le goût d’en enlever quelques-uns. Et rien que pour ça, vive le cinéma !