Suivez-vous les séries éliminatoires de la Coupe Stanley ? Moi, oui. Bien sûr, sans la passion qui m’habiterait si le Canadien en faisait partie, mais avec beaucoup de plaisir quand même. Le hockey est un sport magnifique. Gracieux et brutal. Des mastodontes qui se déplacent sur une fine lame.

Un casque de guerrier et la chaussure d’une patineuse de fantaisie. Ça m’a toujours fasciné. Comment une tour comme Zdeno Chara, 6 pieds 9 pouces, 250 livres, peut-elle tenir sur un couteau de quelques millimètres de large ? Et se déplacer avec aisance ? Les joueurs de hockey sont à la fois des gladiateurs et des ballerines. Le bel alliage.

Quand on regarde un match de hockey sans y être impliqué émotivement, ça change complètement la perspective. On est plus objectif. On remarque les beaux jeux des deux côtés. On apprécie les stratégies. On s’attarde aux détails. Si le Canadien était impliqué, ça ne serait pas compliqué : un grand match, c’est quand le Tricolore gagne, un match à oublier, c’est quand le Tricolore perd. Une bonne décision de l’arbitre, c’est quand l’autre équipe est punie. Une mauvaise décision de l’arbitre, c’est quand le CH est puni. En ce moment, notre jugement est beaucoup plus nuancé.

On retient de ce premier mois de compétitions la constance de Tuuka Rask devant le filet, la polyvalence de Logan Couture, le leadership de Patrice Bergeron et l’improbable odyssée des Blues de St. Louis, qui, au 1er janvier, était la pire équipe de tout le circuit et qui font maintenant partie du carré d’as. 

Mais ce que l’on retient le plus, et ça, c’est vraiment pas normal, c’est le travail des arbitres.

Les arbitres, dans leur costume zébré, sont censés être invisibles sur la patinoire. Ils sont censés être comme les chirurgies esthétiques : moins on les remarque, plus elles sont réussies. En ce moment, c’est tout le contraire, on ne parle que d’eux. Il y a eu plusieurs décisions douteuses, mais ce sont plus particulièrement deux d’entre elles qui nous ont coupé le sifflet.

Premièrement, celle qui s’est produite, lors du crucial septième match entre les Golden Knights de Vegas et les Sharks de San Jose. L’équipe de Las Vegas mène 3 à 0, à mi-chemin en troisième période. Elle n’est qu’à une dizaine de minutes de passer à la prochaine ronde. Immédiatement après une mise en jeu, le capitaine des Sharks s’écrase sur la glace, la tête en sang. Pendant qu’on vole au secours de Pavelski, les arbitres discutent ensemble, puis décernent une pénalité majeure et une inconduite de match à Cody Eakin des Knights. Comme si Eakin avait donné un double échec à la tête de Pavelski. Le problème, c’est qu’Eakin n’a pas frappé Pavelski à la tête. Il l’a poussé avec son bâton au thorax. C’est en tombant que le joueur de San Jose s’est blessé à la tête. Conséquence dramatique des cinq minutes d’avantage numérique non-stop des Sharks : quatre buts. Les Chevaliers dorés sont éliminés.

C’est sûr que se faire compter quatre buts en cinq minutes, même en désavantage numérique, c’est pas fort, mais quand même, sans cette punition injustifiée et beaucoup trop sévère, on est en droit de croire que Vegas jouerait toujours au hockey, en ce gris samedi de mai. La décision était tellement injuste que la Ligue nationale s’est excusée le lendemain, auprès de l’organisation des Golden Knights. So what ? On s’est trompés, vous êtes éliminés, on s’excuse. Excusez-vous pas ! Faites attention ! Le plus absurde dans tout ça, c’est que pendant que les arbitres jasaient entre eux de ce qu’ils avaient mal vu, les millions de téléspectateurs regardaient la reprise et constataient qu’Eakin n’avait pas commis de double échec à la tête. Tant qu’à vous concerter pour rendre une décision, regardez donc votre tablette, elle va vous sauter aux yeux.

Autre moment sombre des présentes séries, qui a encore avantagé les Sharks de San Jose : lors du troisième match contre les Blues, en pleine période de prolongation, Timo Meier des Sharks frappe la rondelle avec son gant et la dirige vers Erik Karlsson, qui la met dedans. C’est une passe avec la main. C’est défendu. Pas bon, le but. Mais les arbitres ne l’ont pas vu. Bon, le but. Victoire de San Jose.

Si les Sharks remportent la Coupe Stanley, faudra penser donner des bagues aux officiels.

Que retenir de tout ce bordel ? Qu’il faut faire un choix. Soit l’arbitrage est complètement laissé aux sens et au jugement de l’être humain. Et comme l’erreur est humaine, il y aura des erreurs. Ben des erreurs. Soit l’arbitrage est pris en charge par la technologie, et on la laisse régir tout ce qu’elle peut régir.

C’est comme au baseball. La télé nous met le petit carré de la zone des prises. Le jeu n’est plus de savoir si c’est une balle ou une prise, on le sait déjà, le jeu, c’est de savoir si l’arbitre se trompe ou ne se trompe pas. Laissons le petit carré décider, et la zone des prises cessera de s’agrandir ou de rapetisser selon les humeurs de l’homme en noir.

Il faut intégrer la technologie dans l’arbitrage du sport, pour la seule et bonne raison qu’elle fait partie du spectacle offert aux partisans. Un juge de buts qui aurait très bien vu sur son écran que la passe de Meier avait été faite avec la main l’aurait annulée. Et avant de donner une punition majeure pour une infraction dont on n’est pas certain, les arbitres devraient consulter la reprise. De leur propre chef. Oublier les challenges. C’est pas bon, c’est pas bon. C’est pas au coach d’intervenir pour que la bonne décision soit rendue. C’est aux arbitres de s’en assurer. La bonne décision, c’est leur job.

Où nous conduira tout ça ? Est-ce qu’un jour les arbitres seront remplacés par des robots ? J’en ai bien peur. Toutes les décisions seront judicieuses, mais il n’y aura plus personne à blâmer. J’ai comme l’impression qu’on va moins s’amuser. En passant, le but d’Alain Côté…