Quand il a étouffé avec un oreiller son épouse adorée, ravagée par l'alzheimer, Michel Cadotte a posé un geste impulsif, découlant de la souffrance, de la dépression, des combats épuisants, des problèmes financiers et de l'isolement vécus depuis l'apparition de la maladie, neuf années plus tôt.

C'est pourquoi le Montréalais de 57 ans devrait être reconnu coupable de l'homicide involontaire de Jocelyne Lizotte, plutôt que de meurtre non prémédité, a plaidé l'avocate qui le défend, Me Elfriede Duclervil, ce matin au Palais de justice de Montréal.

« Pendant un court moment, il a perdu le contrôle. Il veut que les souffrances de Jocelyne s'arrêtent, mais il ne veut pas qu'elle meure, il veut seulement qu'elle ne souffre plus », a fait valoir Me Duclervil.

Pour la Couronne, cependant, il est indéniable que Michel Cadotte avait l'intention de tuer sa femme lorsqu'il a posé le geste fatidique, il y a deux ans, dans sa chambre du CHSLD Émilie-Gamelin. Il doit donc être condamné pour meurtre au deuxième degré.

D'ailleurs, l'accusé ne souffrait pas de dépression majeure à ce moment, selon l'avocate de la poursuite, Me Geneviève Langlois, qui s'appuie sur les témoignages d'experts présentés au cours du procès.

« Je ne remets pas en question le fait que M. Cadotte puisse avoir été affecté par la situation médicale de son épouse. Mais gardez à l'esprit que je ne vous demande pas de juger l'homme, mais de juger le geste qu'il a posé le 20 février 2017, alors qu'il a causé le décès de son épouse », a souligné Me Langlois.

Fin tragique d'une histoire d'amour

Dans sa plaidoirie, au dernier jour du procès devant jury de Michel Cadotte, Me Elfriede Duclervil a rappelé l'enfer vécu par le couple après les premiers signes de la maladie, apparus alors que Mme Lizotte n'avait que 51 ans.

« On parle de neuf années d'usure, qui l'ont affecté à un point tel que Michel ne pouvait pas formuler une intention spécifique de commettre un meurtre », a souligné l'avocate.

Elle a comparé l'alzheimer à « un tsunami qui fait des ravages, une vague qui va emporter sur son passage une mère, une amie, une épouse. Cette vague va mener Michel au bout de ses forces jusqu'à ce qu'il craque », a-t-elle illustré.

Me Duclervil a rappelé que plusieurs témoins ont décrit Michel Cadotte comme un mari aimant, totalement dévoué à son épouse Jocelyne, qu'il visitait plusieurs fois par semaine au CHSLD où elle était soignée.

L'avocate de la défense a souligné que le personnel des établissements de santé a peu de temps pour répondre aux besoins de tous les patients et que M. Cadotte était très préoccupé par le bien-être de son épouse, ce qui l'incitait à faire de nombreuses demandes et plaintes.

Après un diagnostic de dépression en 2013, traitée par des médicaments et en psychothérapie pendant un certain temps, le mari aidant n'a pas réussi à reprendre le dessus, puisque chaque nouvelle épreuve le faisait replonger, a noté son avocate : il souffrait de plusieurs problèmes de santé, avait des ennuis au travail et des difficultés financières, en plus de s'inquiéter pour sa femme et d'en prendre soin.

L'accumulation de toutes ces épreuves, combinée à l'isolement et à la culpabilité, l'ont poussé à commettre l'irréparable, quand « le couvercle de la marmite a sauté, que Michel a "sauté sa coche", qu'il a fini par craquer », a dit Me Duclervil, rappelant que Jocelyne Lizotte avait déjà dit qu'elle préférait mourir plutôt que de subir le même sort que sa mère, elle-même décédée des suites de l'alzheimer.

Aide médicale à mourir

L'année précédente, M. Cadotte avait demandé l'aide médicale à mourir pour sa conjointe, mais s'était fait répondre qu'elle ne répondait pas aux critères.

Peu importe la raison, personne ne peut décider d'enlever la vie à quelqu'un d'autre, a souligné l'avocate de la poursuite, Geneviève Langlois.

« Il voulait qu'elle arrête de souffrir, mais même le mobile le plus louable ne peut soulever un doute raisonnable quant à la culpabilité de M. Cadotte », a-t-elle dit.

Elle a rappelé que l'oreiller a dû être maintenu pendant un certain temps, et avec une certaine force, sur le visage de Jocelyne Lizotte avant qu'elle cesse de respirer. « C'est donc loin d'être un geste impulsif », a-t-elle noté.

En faisant référence à l'expertise du psychiatre Gilles Chamberland, qui a témoigné au cours du procès, Me Langlois a soutenu qu'il n'y avait aucune preuve que l'accusé souffrait d'une dépression majeure au moment des faits.

Les personnes dépressives ne sont pas capables de fonctionner normalement ni de prendre des décisions, a-t-elle mentionné, ce qui n'était pas le cas de M. Cadotte. S'il a souffert d'un problème de santé mentale, c'était peut-être un trouble de l'humeur lié à l'alcool, selon elle.

La procureure a aussi rappelé qu'il avait déjà évoqué dans le passé un désir de mettre fin aux jours de sa femme.

La juge Hélène Di Salvo donnera demain ses instructions au jury, qui sera ensuite séquestré jusqu'à ce qu'il parvienne à un verdict unanime.