Accusé d'avoir agressé sexuellement trois garçons entre 1999 et 2009, l'ex-conseiller politique Martin Lapointe aurait recruté ses présumées victimes chez les scouts, où il était animateur.

Profitant de sa position d'autorité à l'égard des adolescents, il les aurait invités chez lui et à son chalet, où il aurait eu des rapports sexuels avec eux. Il aurait même hébergé deux des jeunes, avec le consentement de la mère dans un cas.

Une des victimes aurait dénoncé ses agissements à des responsables du mouvement scout en 2005, sans qu'aucune mesure ne soit prise.

Ces révélations se trouvent dans un jugement rendu la semaine dernière en lien avec une requête de Martin Lapointe, qui voulait avoir des procès séparés pour chacun des trois plaignants pour répondre des 15 accusations portées contre lui.

La juge Josée Bélanger, de la Cour du Québec, a rejeté sa demande. « Il s'agit de gestes de même nature qu'aurait posés le requérant à l'égard de trois plaignants vulnérables alors qu'il était en position d'autorité à l'égard de chacun d'eux. Il les aurait tous rencontrés via le mouvement scout. De plus, un des événements implique deux des trois plaignants », a-t-elle expliqué pour justifier sa décision.

Au bureau de la ministre Thériault

Martin Lapointe a déjà dirigé le bureau de l'ancienne ministre Lise Thériault dans la circonscription d'Anjou et a été « conseiller spécial » de l'ex-ministre de l'Environnement David Heurtel.

M. Lapointe, qui a siégé au conseil d'administration de l'organisme Scouts du Montréal métropolitain, a été chef du 188e groupe scout de Sainte-Colette, à Montréal-Nord, pendant plusieurs années. Il s'est retiré du mouvement en 2016. Les premières accusations pour crimes sexuels ont été déposées contre lui en février 2017.

Il aurait rencontré Maxime* dans le cadre d'activités de scoutisme. Le chef scout aurait hébergé chez lui l'adolescent vulnérable, qui vient d'un milieu dysfonctionnel, selon le jugement. Alors que le garçon avait entre 12 et 18 ans, Martin Lapointe l'aurait payé en échange de services sexuels et lui aurait même fourni un médicament contre les troubles érectiles.

Il aurait aussi demandé à Maxime d'avoir des rapports sexuels avec Steven*, un autre jeune scout, afin de pouvoir les regarder. Steven aurait aussi été agressé par Lapointe, alors qu'il avait environ 16 ans.

Pas de suites à la dénonciation

Lenny*, qui a côtoyé l'animateur scout de 1999 à 2008, et qui aurait même été hébergé chez lui les fins de semaine pendant deux ans, aurait quant à lui eu des rapports sexuels à trois ou quatre reprises avec celui qu'il considérait comme son confident.

« En 2005, [Lenny] dénonce la situation au mouvement scout, mais il n'y aura pas de suite », indique le jugement.

À l'Association des scouts du Canada, on affirme n'avoir jamais eu de plainte à l'égard de Martin Lapointe, qui était « très impliqué dans l'organisation, et très apprécié », rapporte le directeur général par intérim, Claude Corbeil.

« La police est venue dans nos bureaux, à quelques reprises, nous avons collaboré, dit-il. Ils ont cherché à savoir s'il y avait d'autres victimes. »

« Les loups se rapprochent de la bergerie »

Selon le code de conduite auquel les animateurs scouts doivent adhérer, aucun adulte ne doit se trouver seul avec un jeune, et les rencontres ne sont pas permises en dehors des activités de l'organisation. Ces règles sont en vigueur depuis au moins 10 ans, selon M. Corbeil.

Si un jeune se plaint du comportement inapproprié d'un adulte, on l'incite à porter plainte à la police. L'organisation mène aussi sa propre enquête, et l'adulte est suspendu « si on a le moindre soupçon », assure-t-il. « On a beaucoup amélioré nos façons de faire, parce qu'on sait qu'il peut y avoir des personnes mal intentionnées qui veulent venir dans notre organisation. Les loups se rapprochent de la bergerie... »

En 2012, une enquête de KPMG avait conclu que, par le passé, des allégations d'agressions sexuelles n'avaient pas été signalées aux autorités par Scouts Canada, parfois en raison d'une requête de la victime, parfois à cause d'une faille dans les procédures.

Cet examen faisait suite à un reportage de la CBC, qui avait révélé que des dizaines d'ententes de confidentialité avaient été conclues avec des victimes d'agressions sexuelles au fil des ans.

Le commissaire en chef de l'organisation avait indiqué que les mesures à ce sujet avaient été renforcées depuis.

* Prénoms fictifs