Le juge François Huot a annoncé vendredi avoir besoin de plus de temps pour décider de la peine du meurtrier Alexandre Bissonnette, qui est passible de la plus longue peine de l'histoire de la justice moderne au Canada.

Le juge de la Cour supérieure devait rendre son verdict le 29 octobre. Il a annoncé ce matin que deux questions importantes restent en suspens et a convoqué les deux parties à une audience le 21 novembre prochain. La sentence est prévue pour janvier prochain, mais déjà les familles des victimes font allusion à un possible appel.

« Il est de mon intention d'essayer de rendre une décision pour la fin du mois de janvier. Je le dis à (Alexandre Bissonnette) et aux membres de la communauté musulmane qui eux aussi de façon très légitime sont dans l'attente de cette décision, a expliqué François Huot. C'est une décision dont je mesure l'importance, qui demande beaucoup de considérations juridiques. »

« Je dois reporter la décision pour pouvoir faire mon travail de la manière la plus consciencieuse possible », a ajouté le juge.

Un représentant des familles des victimes s'est dit déçu du report, mais a réitéré sa confiance envers le juge. « Un report, ce n'est pas ce à quoi on s'attendait. Mais on comprend que monsieur le juge en a beaucoup sur les épaules », a dit à la sortie de la salle d'audience Amir Belkacemi, fils de Khaled Belkacemi, ce professeur de l'Université Laval tué le soir de l'attentat.

« Dans tous les cas de figure, peu importe le jugement du juge Huot, on s'attend à ce qu'il y ait une procédure d'appel. Donc, pour nous, le combat n'est pas terminé », a ajouté Amir Belkacemi. Il a expliqué qu'il croyait en la possibilité d'un appel de la Couronne ou de la défense vu « la lourdeur et la gravité des événements ».

Deux questions en suspens

Bissonnette a reconnu sa culpabilité dans le meurtre de six Québécois musulmans. Le 29 janvier 2017, les victimes venaient de finir la prière du soir quand le tireur a surgi dans la mosquée du quartier Sainte-Foy, à Québec. Le meurtrier a tiré 48 balles en moins de deux minutes. Il est aussi coupable de tentatives de meurtre sur les 40 survivants présents dans le lieu de culte.

La Couronne, qui dénonce un geste motivé par la haine des musulmans, demande une peine exemplaire de prison à vie sans possibilité de libération avant 150 ans. Le Code criminel prévoit la possibilité de cumuler des peines depuis l'adoption en 2011 d'une loi par le gouvernement conservateur d'alors. Le meurtre est passible d'une peine de 25 ans sans possibilité de libération, et Bissonnette en a commis six, d'où le chiffre de 150 ans.

Une sentence aussi longue serait « une peine de mort déguisée qui éteint la moindre lueur d'espoir », a dénoncé le père du meurtrier, Raymond Bissonnette, lors de la dernière journée d'audience en juin dernier.

Or, deux questions restent en suspens selon le juge Huot. D'abord, l'avocat de Bissonnette a plaidé qu'une peine de 50 ans et plus équivaudrait à une peine de mort, parce que le meurtrier est âgé de 28 ans.

Le juge Huot demande si cet argument ne constitue pas une forme de discrimination sur l'âge : « Auriez-vous pu plaider ça s'il avait eu 19 ans au moment des faits ? », demande le juge.

La deuxième question, très technique, le juge la pose au procureur général. Le magistrat veut savoir s'il est tenu de livrer une peine en blocs de 25 ans - 25, 50, 75, etc. - ou s'il peut rendre une peine différente, 40 ans par exemple.

« Est-ce que je dois fonctionner par bloc de 25 ans ? J'ai de sérieux doutes là-dessus », a remarqué François Huot.

Ces deux questions seront débattues le 21 novembre prochain.