« Katherine, ne reste pas en haut toute seule. Viens regarder l'émission avec nous [au sous-sol] », a lancé Andrée Bérubé à sa fille de 16 ans. Cette demande toute maternelle a peut-être sauvé la vie de l'adolescente, puisque dix minutes plus tard, un voleur armé tirait sans raison sur son père au rez-de-chaussée.

Deux mois après avoir pris en otage un garçon de 10 ans dans Côte-des-Neiges, un voleur masqué a fait vivre une nuit de terreur à une famille sans histoire de Montréal en septembre 2009. Cet homme extrêmement violent serait Septimus Neverson, selon la Couronne. Le procès de l'homme de 56 ans s'est ouvert il y a deux semaines ; 54 chefs d'accusation pèsent sur lui, dont le meurtre au premier degré d'un artiste peintre à Laval en 2006, trois tentatives de meurtre et quatre enlèvements.

Un dimanche soir d'automne, la famille Pagé regarde la télévision au sous-sol de son duplex de la rue Parthenais, dans le quartier Ahuntsic. Vers 21 h, François Pagé monte au rez-de-chaussée pour se rendre à la cuisine. Il tombe nez à nez sur un homme armé dans le couloir. « Qu'est-ce que tu fais là ? Va-t'en d'ici ! », s'écrie-t-il. « Donne-moi l'argent. Give me the money ! », exige le voleur, en s'exprimant dans les deux langues.

Au sous-sol, Andrée Bérubé sait immédiatement que son mari est en danger. « J'ai senti la peur dans sa voix. J'ai demandé à ma fille de composer le 911 », a-t-elle raconté hier au procès. Elle entend l'assaillant demander de l'argent à son mari alors qu'elle cherche la clé de la porte extérieure du sous-sol.

Un coup de feu éclate. Andrée Bérubé et sa fille sortent au même moment. En courant à l'extérieur, elles aperçoivent un homme vêtu tout de noir sauter de la fenêtre d'une chambre et prendre la fuite dans la cour. Ce moment ne dure que quelques secondes. « Avec l'adrénaline, tu veux t'échapper le plus vite possible. On savait qu'il était armé », explique Andrée Bérubé.

Gravement blessé à la hanche, François Pagé souffre le martyre dans le couloir, mais ne perd pas conscience. Il réussit ainsi à descendre pour s'assurer que sa famille est saine et sauve. Il a été hospitalisé pendant des semaines et n'a pu reprendre le travail que cinq mois plus tard. « J'avais des douleurs épouvantables », témoigne-t-il. Neuf ans plus tard, il conserve des séquelles permanentes de ce coup de feu.

UN REGARD « MARQUANT »

L'accent de l'auteur de ces introductions par effraction est au coeur du procès, alors que Septimus Neverson est originaire de Trinité-et-Tobago, petit État des Antilles. Selon François Pagé, le tireur n'avait ni un accent haïtien ni un accent jamaïcain. Il n'est toutefois pas en mesure de dire s'il avait un accent trinidadien. Aussi, le tireur avait un regard anormal, sans toutefois « loucher », selon le témoin. « C'était très marquant, son regard », résume-t-il.

Plus tôt cette semaine au procès, un homme de 19 ans a raconté avoir été pris en otage par un homme armé en juillet 2009. Son père venait alors d'être atteint par balle dans leur résidence de Côte-des-Neiges. Tombé nez à nez devant les policiers, le ravisseur a posé son arme sur la tempe de l'enfant de 10 ans pour réussir à prendre la fuite.

Le procès se poursuit lundi au palais de justice de Montréal.