Le doyen des Hells Angels qui est de nouveau condamné. Un autre, en cavale depuis cinq mois, qui se livre en plein tribunal, et qui règle lui aussi son dossier. Un policier ripou qui admet avoir fricoté avec des trafiquants et transporté de la drogue.

La journée de mercredi a été forte en rebondissements au palais de justice de Montréal, alors qu'à peine cinq mois après le projet Objection, plus importante frappe anti-motards au Québec en près de 10 ans, la quasi-totalité des individus arrêtés en avril dernier ont plaidé coupable et reçu leur peine.

« Vous reconnaissez les faits, M. Langlois ? », a demandé le juge Daniel Bédard, de la Cour du Québec, à celui que l'on surnomme Sky, après que Me Marjorie Delagrave, de la poursuite, eut lu la preuve accumulée contre le vétéran motard.

« Ouan... », a répondu, sans trop de conviction, Michel Langlois, qui venait de plaider coupable à cinq chefs de gangstérisme, complot pour trafic et trafic de cocaïne et de méthamphétamine.

« Ça va être oui ou non, mais pas "ouan" », a répliqué le magistrat avant d'entériner une entente entre la poursuite et la défense et de le condamner à 58 mois de pénitencier.

À 72 ans, Michel Langlois retourne encore une fois derrière les barreaux, lui qui a fait plusieurs séjours de prison durant sa longue carrière criminelle, dont un de six ans dans la foulée de l'opération SharQc effectuée en avril 2009.

AUSSITÔT LIVRÉ, AUSSITÔT CONDAMNÉ

Quelques heures plus tôt, son « frère », Stéphane Maheu, aussi membre de la section South des Hells Angels et recherché depuis Objection, s'est présenté au palais de justice et est resté longuement assis dans la salle, à suivre avec attention les réponses de ses coaccusés.

Il a reconnu sa culpabilité à des chefs de gangstérisme et de trafic de drogue, a été condamné à six ans de pénitencier par le juge Bédard et a aussitôt pris le chemin de la détention, escorté par un constable spécial.

Un troisième Hells Angel, Louis Matte, et une vingtaine de trafiquants, dont le chef d'un important réseau de distribution de méthamphétamine, ont aussi réglé leur dossier, mais la dernière réponse à l'accusation de la journée, déposée vers 15 h 30, a particulièrement retenu l'attention. Celle d'un certain Carl Ranger.

FAUSSE INTERCEPTION

Durant l'enquête Objection, Ranger était policier de la Ville de Repentigny. Le 9 août 2017, il a pris contact avec un individu pour que ce dernier lui trouve un prêt de 6000 $. Or, Ranger ne le savait pas, mais l'homme était un agent civil d'infiltration (ACI) qui travaillait pour la police et portait sur lui un appareil d'enregistrement.

L'ACI a accepté de trouver de l'argent pour le policier en échange de renseignements sur une plaque d'immatriculation. Il a été convenu que le policier intercepterait l'ACI sur la route, en simulant une infraction au Code de la sécurité routière, et que ce dernier lui remettrait alors le numéro de plaque sur lequel enquêter et une somme de 1100 $. Le 4 octobre, Ranger a interrogé les banques de données et remis les informations à l'ACI le lendemain. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là.

Cinq semaines plus tard, le policier a organisé une rencontre entre l'ACI et un vendeur de drogues pour que les deux hommes travaillent ensemble. Il a ensuite reçu 1500 $ de l'ACI en trois versements. 

Enfin, en février dernier, Carl Ranger a transporté de Lachenaie à Boucherville 10 000 pilules de méthamphétamine et une somme de 10 000 $, en retour d'une paie de 1000 $.

Ranger a plaidé coupable mercredi à des chefs d'avoir utilisé frauduleusement un ordinateur de la police et de trafic de substances. Le prononcé de sa sentence, qui sera de 18 mois de prison, a été reporté au 14 janvier prochain. Durant l'enquête, Ranger a été suspendu et a ensuite démissionné de la police de Repentigny.

Après les reconnaissances de culpabilité, la procureure Me Juliana Côté, de la poursuite, a remercié les avocats de la défense et même les accusés pour ces règlements massifs qui surviennent seulement cinq mois après la frappe policière.

« Je suis extrêmement impressionné », a dit le juge Bédard, en remerciant lui aussi les parties.

L'enquête Objection a été menée par l'Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO), chapeautée par la Sûreté du Québec.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Les principaux accusés qui ont plaidé coupable mercredi

MICHEL LANGLOIS, 72 ans

• Durant l'enquête Objection, il a participé à au moins quatre rencontres auxquelles un agent civil d'infiltration (ACI) a aussi assisté. Au cours de ces rencontres, il a été question notamment de la distribution de stupéfiants dans l'Outaouais et de la remise de taxes sur la vente de stupéfiants.

• Langlois lui-même s'est compromis sur son implication dans la distribution de stupéfiants durant des conversations avec l'ACI qui ont été enregistrées.

• Michel Langlois s'est impliqué directement dans un conflit entre l'ACI et un coaccusé.

• Il a été cotitulaire d'un territoire de vente de stupéfiants dans la Petite-Nation.

STÉPHANE MAHEU, 47 ans

• Pendant l'enquête, Stéphane Maheu a perçu 5 cents pour chaque comprimé de méthamphétamine vendu. Il était l'un des responsables du territoire de l'Outaouais, où 292 000 pilules ont été écoulées.

• Maheu était également responsable des territoires de Cowansville et de Granby, où respectivement 42 000 et 19 000 comprimés ont été vendus, en plus d'une certaine quantité de cocaïne.

• Lui aussi a été piégé par l'ACI.

• Il est le père de Kenny Maheu, également accusé et condamné dans la foulée du projet Objection.

LOUIS MATTE, 52 ans

• Durant l'enquête, Louis Matte a remis un croquis d'un territoire qu'il contrôlait en Ontario à l'ACI.

• Le motard a reçu une somme de 2200 $ pour la vente de 22 000 comprimés de méthamphétamine sur son territoire.

CARMELO SACCO, 36 ans

• Il contrôle la vente de cocaïne et de méthamphétamine dans l'est de Montréal et est un important distributeur de pilules.

• Lors d'une perquisition chez l'un de ses coaccusés, les policiers ont retrouvé de la comptabilité qui indique qu'en seulement 135 jours, entre octobre 2017 et février 2018, au moins 2,5 millions de comprimés de méthamphétamine, 7 kilogrammes de cocaïne, et 1,7 million de dollars sont passés par son organisation.

• Sacco a plaidé coupable à des chefs de gangstérisme, complot pour trafic et trafic de cocaïne et de méthamphétamine, et a été condamné à quatre ans et cinq mois de pénitencier.