La voiture fantôme du policier qui a percuté et tué un enfant de cinq ans à Saint-Hubert en 2014 avait atteint une vitesse de 134 km/h dans les secondes qui ont précédé l'impact, a plaidé la Couronne au premier jour du procès lundi au palais de justice de Longueuil.

La limite de vitesse dans la zone résidentielle où il fonçait à vive allure était de 50 km/h.

Patrick Ouellet fait face à une accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort. La procureure de la Couronne, Geneviève Langlois, a indiqué d'entrée de jeu que les critères sont de savoir s'il a conduit d'une façon dangereuse pour le public, s'il s'agissait d'un écart marqué par rapport à la norme de conduite d'un policier diligent dans les mêmes circonstances et si cette conduite a causé la mort.

La Presse avait révélé dans la foulée du drame que l'accusé participait à la filature d'un ancien directeur du Parti libéral du Québec, Robert Parent, dans le cadre d'une importante enquête sur de la corruption impliquant des gens d'affaires et des acteurs du monde politique. Cette enquête était menée par l'Unité permanente anticorruption (UPAC). La Presse avait aussi révélé que M. Ouellet ne répondait pas à un appel d'urgence lors du drame. 

Le 13 février 2014, peu avant 8 h, Nicholas Thorne-Belance se trouvait à l'arrière de la voiture conduite par son père, en route vers la garderie. Leur Kia Spectra roulait vers l'ouest sur le boulevard Gaétan-Boucher. Elle s'est engagée dans la voie inverse en tournant à gauche sur une rue perpendiculaire, la rue Davis. Le policier arrivait à vive allure sur le boulevard Gaétan-Boucher en sens inverse, et sa Toyota Camry a percuté la portière arrière droite de la Kia, là où le jeune Nicholas était assis sur un banc d'appoint.

La vitesse du policier qui avait jusqu'ici été rapportée dans les médias était d'environ 120 km/h. 

Enregistrement du père

Dans un enregistrement émouvant d'une conversation du père avec des policiers à l'hôpital Sainte-Justine quelques heures après le drame, on peut l'entendre expliquer qu'il croyait avoir le temps de tourner, mais voyant que la voiture arrivait plus vite qu'anticipé, et surtout qu'elle ne semblait pas ralentir, il a tenté lui-même d'accélérer afin d'éviter la collision, mais en vain.

Des photos déposées en preuve et prises après l'accident montrent la Toyota noire immobilisée en plein centre du boulevard, le capot entièrement renfoncé et d'importantes traces de freinage sur la chaussée.

La Kia de la famille a dérapé et été projetée sur le terrain d'une résidence. Sur le banc arrière, on peut voir des taches de sang qui entourent le siège d'enfant.

Le père ne sera pas appelé comme témoin pour des raisons de santé. Dans l'enregistrement joué au procès, il se met à pleurer en expliquant qu'il s'est retourné vers le banc arrière après l'impact, et qu'il a vu son fils inconscient avec de graves blessures à la tête.

Il répète à quelques reprises qu'il s'agit d'un accident et s'enquiert de l'état de santé de l'autre conducteur.

Vitesse moyenne de 48 km/h

Selon un témoin expert qui a témoigné en début d'après-midi, les vitesses moyennes mesurées à cette intersection entre 7 h et 8 h du matin sont d'environ 48 km/h. L'accusé roulait donc près de trois fois plus rapidement.

Le policier se rendait avec d'autres membres de son équipe relever un collègue qui avait entamé sa surveillance du domicile du sujet peu avant 7h ce matin-là, et qui les avait alertés lorsque l'ancien directeur du PLQ était entré dans son véhicule et avait pris la route en direction de Montréal. 

Cet autre agent, Francis Lalemant, agissait à titre d'agent de soutien, mais ne faisait pas partie intégrante de l'équipe de filature pour ce dossier, a-t-il expliqué à la cour lundi. Il ne détenait donc pas tous les renseignements pertinents à l'affaire. 

Ce policier membre de l'UPAC avait entamé la filature et décrivait la scène à l'un de ses collègues par téléphone cellulaire. 

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait à l'origine annoncé qu'il ne porterait pas d'accusations dans cette affaire. Mais devant la grogne populaire, le gouvernement Couillard avait mandaté un comité de trois experts pour examiner l'affaire. Ce comité a recommandé au contraire d'intenter des procédures.

L'accusé a tenté il y a quelques mois de mettre un terme au procès pour cette raison, mais sa demande n'a pas été retenue.