« Je te gage ma paye qu'on va se pogner et que ça va mal finir. » Cette phrase prémonitoire, Cheryl Bau-Tremblay l'a écrite à Alexandre Gendron quelques heures seulement avant de mourir de ses mains à l'été 2015. La jeune femme, enceinte de 20 semaines, le revoyait pour la première fois depuis l'intervention des policiers une semaine plus tôt pendant un énième épisode d'alcoolisme de l'accusé.

« Je suis avec mon conjoint et ça se passe pas bien. S'il vous plaît, envoyez-moi quelqu'un. Ça dégénère ! Il est agressif, il est soûl », lance la jeune femme, paniquée, à l'agente du 911. Sa peur est palpable au bout du fil. Néanmoins, elle refuse de donner le nom de son conjoint pour ne pas lui « nuire ». « Il peut être agressif quand il est en boisson », prévient-elle.

Photo archives La Presse

Cheryl Bau-Tremblay

Cet appel d'urgence fait une semaine avant le meurtre a été présenté au jury dès le début du premier témoignage, mardi, au procès pour meurtre non prémédité d'Alexandre Gendron au palais de justice de Saint-Hyacinthe. Selon la poursuite, l'homme de 38 ans a tué Cheryl Bau-Tremblay, puis a ensuite caché le corps de sa conjointe enceinte dans un sac de couchage placé sous leur lit, entre le 1er et le 6 août 2015.

Exceptionnellement, l'avocat de l'accusé, Me Guy Quirion, a révélé d'emblée au jury que son client reconnaissait avoir causé la mort de Cheryl Bau-Tremblay et qu'il entendait témoigner pour donner sa version des faits. Selon la poursuite, il avait expliqué aux enquêteurs avoir « maîtrisé » de dos sa conjointe et avoir provoqué sa mort en se couchant sur elle. Seuls deux verdicts sont donc possibles : homicide involontaire ou meurtre au second degré (non prémédité).

Le premier témoin, une policière, a expliqué que la femme de 29 ans pleurait à son arrivée, deux minutes après l'appel au 911, le soir du 24 juillet 2015. « Il y a une forte odeur d'alcool à l'intérieur. Alexandre Gendron est en état d'ébriété. Ce soir-là, le couple s'était disputé parce que M. Gendron avait fait une rechute d'alcool », a-t-elle raconté.

UN ULTIMATUM 

Dès le lendemain, Cheryl Bau-Tremblay quitte sa maison de Beloeil - achetée un mois plus tôt avec sa mère - pour se réfugier chez sa soeur à Magog. De longs échanges de messages entre elle et Alexandre Gendron au cours de cette période ont été présentés au jury mardi. Ils lèvent le voile sur une femme exaspérée par le problème d'alcool de son conjoint et bien décidée à mettre un terme à leur relation, malgré leur bébé à naître.

« Je te déteste, j'ai hâte que tu sortes de ma vie et que je puisse passer à autre chose. Pis pense même pas te pointer à l'écho. Tu as laissé tomber [notre bébé]... Tout comme moi. Soûle-toi pour oublier à quel point tu es indigne d'être dans nos vies », lui écrit-elle, le 30 juillet. « Ça ne marche pas et tu ne veux rien changer. Feck change de blonde », ajoute-t-elle.

Le 1er août, l'ultimatum de Cheryl Bau-Tremblay est terminé. Le couple paraît irréconciliable, selon leurs échanges de messages.

Elle annonce à l'accusé qu'elle viendra dans sa maison le jour même en milieu d'après-midi, mais qu'il est « peut-être mieux de plus être là ». « Osti, je ne feele pas pour me faire écoeurer », répond-il. « Deadline is over », conclut-elle.

Rongées par l'inquiétude, sa mère Nicole Bau et sa soeur Cydji Bau-Tremblay appellent le 911 à quelques reprises le soir même et le lendemain. Les policiers se présentent au domicile à deux reprises, sans toutefois découvrir le corps. Ce n'est que lorsque la jeune femme a été portée disparue que les policiers ont fait la macabre découverte.

Peu de temps avant sa mort, Cheryl avait confié à sa mère en avoir assez de l'alcoolisme de son conjoint. « Maman, il a recommencé à boire, je ne tolérerai pas ça. Je vais faire un ultimatum, il va arrêter de boire ou il va s'en aller », lui lance-t-elle. Sa soeur Cydji a également relaté plusieurs épisodes de consommation importante d'alcool de son beau-frère. Leur relation était « tellement malsaine », soutient-elle.

Son témoignage se poursuit mercredi matin.