C'est à la suite de l'explosion de la voiture de son supérieur en pleine nuit, en 2000, que Mario Desrochers s'est retrouvé au coeur du système de collusion dans l'attribution des contrats publics à la Ville de Laval. « [Gilles Théberge] m'a appelé la nuit : "Mario, fais attention, ma voiture a explosé" », a-t-il raconté mercredi au procès pour fraude et corruption de l'entrepreneur en construction Tony Accurso.

« Si on essaie d'insinuer que mon client a à voir de quoi dans ça ! », s'est alors indigné l'avocat de l'accusé, Me Marc Labelle. Questionné par le juge, le procureur de la Couronne a assuré ne pas du tout avoir l'intention de prouver que Tony Accurso était lié à l'explosion de la voiture de Gilles Théberge, qui a conclu son témoignage mercredi.

Promu du jour au lendemain directeur régional de l'entreprise d'asphaltage Sintra, Mario Desrochers s'est rapidement initié aux rouages du système de collusion et au paiement obligatoire à l'administration du maire Vaillancourt d'une ristourne de 2 % sur la valeur de tous les contrats truqués.

Peu de temps après sa nomination, Mario Desrochers s'est rendu une première fois dans les locaux de Marc Gendron pour lui remettre le « 2 % » destiné à la Ville. « J'étais pas familier avec ça, l'argent dans une enveloppe brune », raconte le témoin. Jusqu'à son départ en 2005, Mario Desrochers a payé la ristourne pour tous les contrats obtenus par Sintra. « C'était tout le temps de l'argent comptant, les chèques, il n'acceptait pas ça, et il n'y avait pas de reçu aussi », explique-t-il.

Le partage des contrats était déjà bien rodé à son arrivée à la direction de Sintra. Les entrepreneurs faisaient la « queue leu leu » devant le bureau du directeur du génie à la Ville de Laval, Claude de Guise, pour obtenir la liste des entrepreneurs potentiels pour chaque projet promis. Puis, il suffisait de discuter avec les autres entreprises pour s'assurer d'obtenir des soumissions de complaisance. « Je te laisse aller sur le mien, tu me laisses aller sur le mien », résume-t-il.

Néanmoins, « l'incident » de son prédécesseur Gilles Théberge, devenu son homologue chez un compétiteur, a laissé des traces dans leurs relations. « Sintra m'a demandé de ne pas trop faire la magouille avec M. Théberge, de couper les liens, de faire affaire avec lui le moins possible », raconte Mario Desrochers. Son contre-interrogatoire se poursuit ce matin au palais de justice de Laval.

Mercredi matin, l'avocat de Tony Accurso a tenté de soulever des contradictions entre le témoignage de Gilles Théberge et son témoignage au premier procès de l'accusé, l'automne dernier. Me Marc Labelle l'a notamment cuisiné sur la durée - quatre ou dix minutes - d'une rencontre dans le bureau de Tony Accurso pour discuter d'un contrat truqué de 4 millions de dollars en 2005.

« Tentez-vous de convaincre le jury que ça a été plus long ? », a lancé Me Marc Labelle. « Vous trouvez que je mens, moi, je dis que je dis la vérité », a affirmé le témoin, frondeur, plus tard dans le contre-interrogatoire.