Les employés d'une usine de fabrication de produits en métal auraient, à leur insu, fabriqué de 50 à 60 armes létales en 2013, leurs patrons leur ayant fait croire qu'il s'agissait de pistolets de paintball.

C'est ce qu'un témoin dont on doit taire le nom a raconté hier au palais de justice de Montréal, au procès de deux anciens patrons de l'usine Perfection Métal, Jean-Pierre Huot et Pierre Larivière, accusés de fabrication et de possession d'armes prohibées.

Le 13 mars 2014, dans la nuit, des patrouilleurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont répondu à un appel concernant le déclenchement d'une alarme à l'usine de la rue Salley, dans l'arrondissement de LaSalle, et constaté sur les lieux la présence de morceaux d'armes. Ils ont avisé leurs supérieurs et l'Escouade régionale mixte (ERM) des armes à feu a amorcé une enquête à laquelle ont notamment participé des agents doubles.

Ces derniers jours, l'un des deux accusés, Jean-Pierre Huot, qui aurait été le principal responsable de l'usine, a été particulièrement visé par les témoignages des deux agents doubles et du témoin dont on doit taire le nom.

« ON VA SE FAIRE TIRER »

Hier, ce dernier a raconté avoir posé des questions sur certaines pièces qu'il voyait dans l'usine et s'être fait répondre par M. Huot qu'elles étaient destinées à fabriquer des armes de paintball. Il a aussi dit que M. Huot fournissait les modèles, partait et revenait avec des pièces fabriquées en disant que certaines ne fonctionnaient pas et qu'il fallait les refaire. Un jour, M. Huot lui a demandé de trouver un endroit pour fabriquer un silencieux, « car les clients jouaient au paintball la nuit et ne voulaient pas que les pistolets fassent trop de flash et de bruit ».

Le témoin a évalué que l'entreprise aurait fabriqué, à temps perdu, de 50 à 60 armes fonctionnelles et létales sur une période de six à sept mois, en 2013 et au début de 2014. Un autre lot d'une trentaine d'armes était à moitié réalisé lorsque les patrouilleurs ont découvert le pot aux roses en mars 2014.

Le témoin a raconté qu'avant Noël 2013, il a commencé à avoir des doutes et il a confronté M. Huot sur le fait que c'était de vraies armes que Perfection fabriquait. « Le client sait qui on est, où on habite, il ne voudra pas que l'on arrête la production », a alors répondu ce dernier.

Il a décrit un Jean-Pierre Huot « plus nerveux » sur la question de la livraison des pistolets à la fin de l'automne 2013.

« Des fois, je lui disais : "On n'aura pas le temps de le faire." Il me répondait : "On n'a pas le choix parce qu'on va se faire tirer." » - Le témoin de la Cour

RÉSULTATS MITIGÉS

En octobre 2014, la police a envoyé deux agents doubles à l'usine Perfection pour tenter d'infiltrer les suspects. Les policiers se sont fait passer pour des membres du crime organisé du Proche-Orient désireux de remplacer une arme défectueuse qu'ils ont prétendu avoir achetée. À l'usine, Jean-Pierre Huot et une secrétaire les ont invités à parler à un certain Clément Larivière, habitué d'une brasserie de Châteauguay où les deux agents doubles se sont rendus sans résultats, M. Larivière s'étant montré très peu ouvert à leur parler.

Le 12 novembre 2014, ils sont retournés à l'usine et ont longuement parlé avec M. Huot. « Lorsque je lui ai dit que les bébelles qu'on voulait, ce n'était pas pour le gibier ou pour le paintball, M. Huot a dit qu'il comprenait. Il m'a dit que notre problème était facile à réparer et qu'à 4500 $, on avait payé cher. Il était nerveux et se croyait suivi ou écouté par la police », a décrit un des agents.

« Quand on a demandé à Huot où se situait Clément Larivière dans la hiérarchie, il nous a répondu qu'il serait avec les Italiens et qu'il avait beaucoup de contacts et de meetings à Laval. » - L'autre agent double

Dans sa déclaration d'ouverture, le procureur de la poursuite, Me Éric Poudrier, a dit qu'une vingtaine d'armes de type TEC-9 fabriquées chez Perfection Métal avaient été retrouvées par les policiers à 18 endroits, entre Montréal et Kingston, en Ontario.

Le procès devant jury, qui est présidé par la juge France Charbonneau de la Cour supérieure, se poursuit aujourd'hui avec le témoignage d'un expert en armes du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, dernier témoin de la poursuite. Celle-ci est aussi assurée par Me Philippe Vallières-Roland, alors que les avocats de la défense sont Me Robert Bellefeuille et Me Rodolphe Bourgeois.

***

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Photo André Pichette, La Presse

Jean-Pierre Huot, l'autre ancien dirigeant de l'usine Perfection Métal

Photo André Pichette, La Presse

Pierre Larivière, l'un des deux ex-dirigeants de l'usine Perfection Métal, est accusé de fabrication et de possession d'armes prohibées.