Faire faux bond au tribunal pendant son témoignage peut avoir de lourdes conséquences, même pour la victime alléguée d'un proxénète dans un procès pour traite d'une personne mineure. La plaignante de 18 ans, âgée de 16 ans au moment des crimes, a passé deux nuits en détention pour ne pas s'être présentée à la cour et avoir refusé de témoigner.

C'est les chaînes aux pieds et les menottes aux mains que la victime a traversé la salle de cour mercredi matin pour témoigner dans un local adjacent, comme l'exige la procédure. La tête basse, les bras croisés et les mains enfouis dans ses manches, la jeune femme qui semble à peine sortie de l'adolescence a finalement accepté de témoigner mercredi d'une voix timide, voire enfantine.

La jeune femme avait amorcé son témoignage en février dernier dans le procès de Julien Leblanc, accusé notamment de proxénétisme et de traite de personnes de moins de 18 ans. Elle aurait été forcée de se prostituer pour le compte de Julien Leblanc, rencontré au métro Georges-Vanier, entre le 1er juin 2016 et le 8 janvier 2017 à Montréal et Laval. 

Or, jeudi dernier, elle ne s'est pas présentée à la cour pour poursuivre son témoignage au palais de justice de Montréal.  « Elle a quitté son domicile » la veille et ne « voulait pas continuer », avait expliqué un policier à la cour. 

La jeune femme a expliqué hier en contre-interrogatoire n'avoir « aucune idée » qu'elle devait se présenter à la cour. « C'était pas clair la date que je devais venir et ça ne m'intéressait pas. C'est pour ça que je ne suis pas venue », a-t-elle dit, sans plus de détails.

Le juge David Simon a alors lancé un mandat d'arrestation contre la témoin, dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication. Celle-ci a été arrêtée lundi. Après une nuit en détention, elle a refusé de poursuivre son témoignage. Elle en a alors subi les «conséquences», puisqu'elle a passé une seconde nuit en détention. 

Hier matin, le juge l'a bien avertie des conséquences d'un refus formel de témoigner. « Vous devez répondre aux questions. Un refus pourrait entraîner un outrage au tribunal », a-t-il affirmé. Le juge a ordonné qu'on lui retire au moins ses menottes pendant son témoignage, faute de pouvoir ordonner aux agents de détention de lui retirer également ses chaînes aux pieds.

L'avocate de la défense Me Vicky Powell a soulevé hier de nombreuses contradictions entre sa déclaration sous serment faite aux policiers pendant l'enquête et son témoignage hésitant, voire confus, pendant le procès. Mercredi, la jeune femme s'est même contredite en quelques minutes sur la question du partage du fruit de la prostitution dans les premières semaines de sa rencontre avec l'accusé. 

Deux témoins seront appelés à la barre par la défense dès ce matin, soit le père de la plaignante et l'accusé. Me Éric Poudrier représente la poursuite.