Mohammad Shafia et sa femme Tooba Yahya ont encore une longue peine de prison à purger pour le meurtre prémédité de leurs trois filles et d'une proche avant d'espérer une libération conditionnelle. Mais si ce jour arrive, dans au moins une quinzaine d'années, ils ne pourront s'installer à Montréal, leur ville d'adoption : ils seront expulsés en Afghanistan.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a retiré la résidence permanente à Tooba Yahya jeudi à Montréal en raison de la gravité de ses crimes, à la demande de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). La citoyenne afghane de 48 ans fait donc face à une mesure d'expulsion. Or, l'ASFC ne peut l'expulser du pays tant qu'elle demeure détenue.

«Nous nous efforçons dans la mesure du possible de traiter les cas dans un délai raisonnable afin d'être prêts à effectuer un renvoi sans délai advenant une libération avant la fin de la peine», a indiqué une porte-parole de l'ASFC.

Le patriarche de la famille Shafia, âgé de 64 ans, a également fait l'objet d'une mesure d'expulsion, le 27 février dernier, à Montréal, a confirmé à La Presse une porte-parole de la CISR. La Commission n'avait toutefois aucune information à fournir concernant le sort du jeune Hamed Shafia.

C'est seulement lorsque la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) autorisera leur remise en liberté qu'ils pourront être expulsés dans leur pays d'origine. Comme ils sont détenus depuis juillet 2009, ils devraient être admissibles à une libération conditionnelle dans environ 16 ans. Notons que la CLCC ne sera pas tenue d'autoriser leur libération. 

Mohammad Shafia, Tooba Yahya et leur fils Hamed ont été condamnés, en janvier 2012, à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans pour les meurtres prémédités des trois filles du couple - Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans - et celui de Rona Amir Mohammad, la première femme de Mohammad.

Pourquoi l'Agence des services frontaliers a-t-elle demandé l'expulsion de Tooba Yahya six ans après la conclusion de son procès ultra-médiatisé à Kingston, en Ontario ? « Bonne question, répond son avocat, Me Stéphane Handfield. À partir du moment où Madame ne peut être libérée avant 25 ans, l'Agence ne peut exécuter la mesure de renvoi. Je comprends mal aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, ça ne change pas grand-chose pour elle. »

Vêtue sobrement, les cheveux coiffés en chignon, Tooba Yahya a assisté à l'audience par visioconférence jeudi matin depuis le pénitencier de Joliette. Elle n'a prononcé que quelques mots - dans sa langue natale - pour exprimer sa compréhension du déroulement de l'audience.

Dans l'immédiat, Tooba Yahya n'a pas de droit d'appel devant la Section d'appel de l'immigration, où elle aurait pu invoquer des circonstances d'ordre humanitaire, explique Me Handfield. Ce dernier exclut de faire appel de la décision devant la Cour fédérale puisqu'il n'a pas contesté la mesure de renvoi demandée par l'ASFC.

Toutefois, à son éventuelle libération, alors qu'elle sera âgée d'au moins 64 ans, Tooba Yahya pourrait soumettre une demande de résidence permanente pour des considérations d'ordre humanitaire. « C'est une permission spéciale du ministre [fédéral de l'Immigration] », explique Me Handfield. « Beaucoup de temps va s'écouler avant que Madame soit dans un avion pour l'Afghanistan », nuance-t-il.