Un enquêteur chargé de faire la lumière sur les fuites à l'UPAC a rencontré le député libéral Guy Ouellette en 2016, mais a décidé « de garder leur rencontre sous le couvert de l'anonymat » et n'a pas joint à son rapport les intrigantes notes de l'entretien.

L'enquêteur Michel Comeau a témoigné hier au procès Côté-Normandeau, où les avocats de la défense tentent de faire annuler le procès. Interrogé par la défense, il a expliqué avoir parlé au député libéral Guy Ouellette le 21 juillet 2016, un fait jusqu'alors inconnu du public.

« Ça, ça ne se retrouve pas dans votre rapport. On les a obtenues lundi, a expliqué l'avocat de Marc-Yvan Côté, Olivier Desjardins, parlant des notes manuscrites de la rencontre. Normalement, vous mettez vos notes d'entrevue en annexe du rapport. Pourquoi pas celles-là ? »

« Quand j'ai rencontré M. Ouellette, il m'a demandé de garder sous le couvert de l'anonymat notre rencontre. Je lui accordais ça », a répondu Michel Comeau, policier retraité de la Sûreté du Québec.

La rencontre a duré une heure et le policier en a tiré une page de notes sibyllines. Est-ce que ces notes résument ses propres réflexions, ou plutôt celles du député ? Impossible de le dire. Voici ce que l'enquêteur a noté après son entrevue avec Guy Ouellette : 

« Ne croit pas que le parti protège Nathalie Normandeau » 

« Coulage Anne-Frédérique Laurence [porte-parole de l'UPAC] au profit de Robert Lafrenière » 

«   ? Pression à se faire nommer » 

« Couillard - naïf » 

« Jean-Louis décide de tout mais dernier mot Couillard » (Probablement une référence à Jean-Louis Dufresne, ancien chef de cabinet du premier ministre.)

« Marc Bibeau [ancien collecteur de fonds du Parti libéral] est la dernière [illisible] au gouvernement libéral »

L'enquêteur a expliqué avoir rencontré le député, car celui-ci était bien informé. « À ce moment-là, on avait une fuite dans les médias. Je savais qu'il était sur la colline Parlementaire avec des journalistes, alors qui de mieux pour commencer une enquête ? »

Mais Michel Comeau a précisé qu'il gardait en tête au moment de l'entretien qu'entre « MM. Lafrenière et Ouellette, ce n'était pas spécialement l'amour ».

OUELLETTE NIE ÊTRE LA TAUPE

Le rapport Comeau n'a pas permis d'identifier la provenance exacte des fuites. En octobre dernier, Guy Ouellette a été arrêté par l'UPAC. Invité à témoigner hier, le député a nié être la taupe.

Son avocat, François Marchand, s'est toutefois opposé six fois hier à des questions de la Couronne ou de la défense en invoquant le privilège parlementaire.

« Je n'ai aucun intérêt dans les enquêtes policières, mais j'ai beaucoup d'intérêt dans les processus, les pratiques, le climat de travail, les façons d'opérer parce que c'est l'argent des citoyens, a dit Guy Ouellette. Il faut s'assurer que les dizaines de millions dépensés dans l'UPAC le sont dans le meilleur intérêt [de la population]. »

Les avocats des Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et consorts ont déposé deux requêtes en arrêt du processus judiciaire pour faire avorter le procès. Ils font notamment valoir que les nombreuses fuites aux médias ont nui à leurs clients et corrompu le processus judiciaire.

DOCUMENT DÉPOSÉ EN COUR

Les notes manuscrites rédigées par l'enquêteur Michel Comeau lors de sa rencontre avec le député Guy Ouellette, le 21 juillet 2016