Au terme de quatre ans de procédures, l'ancien patron des enquêtes à la Sûreté du Québec (SQ), Jean Audette, a été acquitté lundi de toutes les accusations criminelles qui pesaient contre lui en lien avec l'usage des fonds secrets de la Sûreté du Québec.

Le juge de la Cour du Québec Thierry Nadon a constaté que l'accusé avait agi «dans l'intérêt public et dans celui de la SQ».

M. Audette, qui a dû quitter son poste en raison de cette affaire et qui a vu la fin de sa carrière entachée par le stigmate d'une série d'accusations criminelles, a ravalé discrètement quelques sanglots dans la salle d'audience, en écoutant le magistrat qui le décrivait favorablement comme «un gestionnaire chevronné qui maîtrise habilement les responsabilités, obligations, jargons et questions relatives à ses tâches».

Pour payer un consultant

Jean Audette était accusé de vol, fraude, abus de confiance et usage de faux en lien avec le paiement d'un consultant en relations de travail, Denis Depelteau. Depelteau, qui aidait notamment dans les négociations de la convention collective des policiers, disait avoir des problèmes avec l'impôt. Les dirigeants de la SQ croyaient que cela l'empêchait possiblement d'obtenir une attestation de Revenu Québec qu'ils estimaient nécessaire pour renouveler son contrat.

Étant donné l'importance de son mandat, le grand patron de la SQ à l'époque, Richard Deschesnes, avait décidé de le payer à même les fonds secrets du corps policier, appelés officiellement les «dépenses spéciales d'opérations» (DSO). 

À l'origine, les dépenses spéciales d'opérations avaient été mises sur pied pour permettre à la SQ d'échapper aux mécanismes d'examen des dépenses publiques dans certains dossiers sensibles : la procédure permet par exemple de ne pas dévoiler publiquement la location d'un appartement pour surveiller clandestinement un criminel dans le cadre d'une enquête, ou de ne pas fournir de reçu lorsqu'on achète de la drogue dans le cadre d'une opération d'infiltration.

Mais au fil du temps, les fonds secrets étaient devenus un poste budgétaire comme un autre, utilisé pour toutes sortes de dépenses, comme l'a révélé la preuve au procès : paiement de délateurs, de consultants divers ou d'experts, frais de protection des procureurs de la couronne, impression de contraventions, frais de passage du pont de l'autoroute A25, droits d'entrée pour un tournoi de golf et même achat d'alcool pour une célébration au terme d'un procès.

Audette ignorait l'ampleur des problèmes du consultant Denis Depelteau avec l'impôt et lorsque son supérieur lui a demandé de payer ce dernier à même les DSO, il l'a fait naturellement.

Normes suivies

«L'accusé a tout simplement observé les normes qui existaient à la SQ pour le paiement des dépenses spéciales d'opérations», a remarqué le juge.

«Il est essentiel de rappeler que l'accusé n'a rien obtenu directement ou indirectement, que ce soit financièrement, professionnellement ou personnellement, des gestes reprochés», a ajouté le magistrat avant de prononcer l'acquittement sur tous les chefs.

Le juge a souligné que M. Audette ne s'était pas défilé «Il a témoigné sans faux-fuyants, en répondant aux questions clairement, sans hésitation, et en fournissant détails, précisions et corrections. Sa mémoire est impressionnante, son souci du détail tout autant.»

Plusieurs anciens collègues de Jean Audette étaient présents dans la salle d'audience et ont célébré l'acquittement à coup de grandes accolades et tapes dans le dos.